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En anglais : Egoist Vegan: Some Thoughts on an Individualist Animal Liberation
Pour toutE lecteurice qui n’est pas familierE du terme, “l’Égoïsme” ou anarchisme égoïste ou anarcho-égoïsme est une école de pensée trouvant source dans les écrits du philosophe existentialiste du 19e siècle Max Stirner.
La philosophie égoïste de Stirner suggère que les identités utilisées pour maintenir les hiérarchies sociales de la société sont des ‘fantômes’ dans l’esprit plutôt que des vérités universelles et fixes. L’acceptation individuelle de ces spectres comme des vérités universelles renforce en fait la normalisation et l’entretien de la société industrielle. Plutôt qu’une capitulation individuelle à ces spectres – ce qui inclut la notion de la Société elle-même – l’égoïsme de Stirner suggère un rejet individualiste de toutes les constructions sociales servant à préserver le contrôle hiérarchique et la domination.
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« Affirmer l’individuE, c’est détruire l’espèce. Je me retrouve à vivre mon bio/éco-centrisme comme un égo-centrisme. De cette position, j’arrive à une union d’égoïstes qui inclut toustes les être vivantEs, où l’antispécisme est une rencontre vivante, et non une Cause révolutionnaire moraliste-à-la-mort. » – Julian Langer dans Une Destruction Éco-Égoïste de l’Être-Générique et du Spécisme
Dans la citation ci-dessus, Langer synthétise magnifiquement que l’individuE est ingouvernable par l’espèce, reconnaissant une union antispéciste avec toustes les autres être vivantEs. Le suprémacisme humain est l’une des nombreuses perspectives qui tente de transforme des vies complexes en des catégories basées sur l’identité. Ma critique égoïste de ‘l’Humain’ comme identité et concept n’est pas plus sophistiquée que ma critique de la race ou du genre ; je rejette toute perspective binaire socialisée qui présuppose des divisions par catégorie basée sur une hiérarchie. Peu importe les noble efforts déployés par celleux qui sont déterminéEs à réformer et redéfinir ce que signifie être humainE, l’humanisme sera à mon sens toujours un ennemi du sauvage – de celleux qui s’adaptent mal à la vie civilisée de la conformité en cage. L’identité et l’idéologie de l’humanisme sont remplies de présomptions de supériorité utilisées pour justifier le contrôle et la domination des animaux non-humainEs. En tant qu’égoïste, je reconnais aussi l’antispécisme comme une rencontre vivante. En tant qu’anti-autoritaire, je rejette toutes les idéologies suprémacistes, incluant celles qui privilégient mon confort et mon existence aux vies d’autres êtres. Donc, en tant qu’antispéciste, je rejette tout privilège basé sur l’espace ou toute morale intrinsèque qui me donnerait le droit de contrôler et dominer unE autre animalE.
Depuis bien longtemps, le suprémacisme humain a profité d’un droit moral en constante expansion sur les animaux catégories comme ‘non-humainEs’, ainsi que les environnements naturels où iels résident. Mon refus de consommer la chair et les secrétions d’autres animaux est une affirmation antispéciste d’une révolte individualiste contre la conformité humaine. Le spécisme est une vision limitée des autres animaux guidé par l’autorité de la morale anthropocentrique. Voir les autres animaux comme de la nourriture, c’est s’abandonner à ses instincts primaux de l’idéologie suprémaciste humaine. Mon égoïsme est un rejet des ‘fantômes’ socialement construits de l’humain, l’humanisme, et la même ‘humanité’ dont les abattoirs et les chasseurs parlent lorsqu’ils tentent de justifier leur domination ‘humaine’ [NdT : au sens de ‘sans cruauté’].
En tant qu’individualiste, je reconnais et respecte l’individualité de toutE animalE. Chaque animalE est unique, possède une personnalité complexe développée en relation avec un environnement complexe. De façon similaire aux effets homogénéisants d’autres formes d’oppressions, l’oppression spéciste limite cette compréhension afin d’endormir l’empathie potentielle partagée entre animaux humainEs et non-humainEs. Cela finit par créer un récit dominant à sens unique qui est utilisé pour dépeindre les animaux non-humainEs comme de simples objets plutôt que des êtres vivantEs individuellement uniques et complexes. Par exemple, lorsque placéEs sous stress et torturéEs avec des instruments fabriqués par l’humainE dans des laboratoires, les animaux non-humainEs ne sont vuEs que comme des sujets de tests contribuant à ‘l’intérêt général’ du progrès scientifique humain.
Les animaux non-humainEs ne sont pas seulement réduitEs à des produits de consommation alimentaire ; iels sont toustes devenuEs un monolithe. Et pour faire respecter cette vision et ce traitement des animaux non-humainEs, le suprémacisme humain doit être collectivement reproduite à un niveau individuel. Comme toute doctrine socio-politique d’idéologie suprémaciste, le suprémacisme humain ne demande rien de moins que la conformité de ses participantEs afin de maintenir son pouvoir et ses valeurs.
L’humanité célèbre sa dominance victorieuse avec des fêtes, une culture et des traditions familiales. Sa séparation de la nature et du sauvage ressemble à une prison isolée construite aux confins de la société industrielle. Et au sein de cette prison – à chaque réunion familiale – les cadavres calcinés de celleux considéréEs comme inférieurEs sont découpés et servis pour leur consommation. Les corps et secrétions corporelles de ces animaux mortEs sont enrichies en nutriment pour justifier la filtration des nutriments par leur consommation. Chaque verre de lait de vache représente un produit d’un travail volé à la fois à la vache et au veau à qui la nature le réservait. A cause des mêmes analyses régurgitées, patriarcales et anthropocentriques (fondées en grande partie sur différentes idées fausses sur l’Histoire et des interprétations domestiquées de ‘la nature’), les primitiviste pro-chasse justifient leur autoritarisme avec la revendication de ressusciter des idées de ‘respect’ et de ‘lien spirituels’ envers les animaux. Tout cela est au service d’une conformité sociale pour la vision et le traitement des animaux comme de simples objets pour l’exploitation et la consommation.
L’anthropocentrisme encourage les animaux humaniséEs à embrasser une mentalité pseudo-carnivore/omnivore malgré une incapacité générale à manger la chair crue – de l’os, jusqu’à l’os, sans rien d’autre que les os. (la chair n’est-elle pas connue comme une contributrice majoritaire aux morts par étouffement chez les humainEs ? Les carnivores et omnivores naturel-les sont biologiquement équipéEs pour avaler de grands morceaux de chair sans avoir à mâcher). Le spécisme ne sert pas seulement comme une vision des animaux non-humainEs socialement conditionnée mais aussi comme le mécanisme interne qui conforte idéologiquement le choix de chacunE de consommer de la chair et des secrétions – puisque, sans instinct primal, la chair crue et le sang stimulent plutôt un réflexe nauséeux que la salivation et l’appétit.
La société industrielle et capitaliste a réussi à commodifier le corps animal – reconnu seulement en terme d’euphémismes utilisés pour édulcorer la réalité de la torture et du massacre systématisés. Par exemple, la société industrielle n’arrête jamais d’élaborer de nouvelles manières de tenir à distance les consommateurices de la réalité quotidienne de la violence dans les abattoirs – qui sont désormais communément appelés des ‘usines de transformation de la viande’. Quand des milliers d’animaux non-humainEs sont tuéEs successivement en un rien de temps sans utiliser leurs corps pour l’alimentation, le mot utilisé par l’industrie est ‘dépopulation’ – un mot qui essaie d’atténuer la réalité de l’extermination de masse. Une façon dont les animaux non-humainEs sont massacréEs en masse par les fermiers est appelée ‘l’arrêt de la ventilation’, lorsque l’alimentation en air est coupée dans des granges pleines, ce qui a pour conséquence une augmentation de la chaleur et que les animaux vont lentement suffoquer puis mourir de chaud.
Le mot ‘bétail’ est l’un des euphémismes les plus courants utilisé pour parler des animaux non-humainEs désignéEs comme ‘nourriture’. En catégorisant ces animaux spécifiques comme bétail, une tentative psychologique est faite pour créer une distinction entre celleux tuéEs dans une ferme et celleux qui existent ailleurs. Cette classification par différenciation est construite pour entretenir l’idée qu’il est acceptable de brutalement massacrer ces animaux de ferme en toute impunité.
D’autres mots utilisés pour alléger le malaise émotionnel et normaliser le massacre et la consommation des animaux sont : produits laitiers au lieu de secrétions corporelles, viande au lieu de chair, porc au lieu de cochon, bœuf au lieu de chair de vache, et veau au lieu de chair de bébé de vache. Ces mots, et beaucoup d’autres, contribuent à la désensibilisation d’unE individuE humaniséE à propos de celleux dont les corps sont mutilés et achetés. En transformant psychologiquement les animaux non-humainEs en des objets, les classifiant autrement et en utilisant des mots différents pour les décrire lorsqu’iels sont vivantEs que lorsqu’iels sont mortEs, les humainEs peuvent éviter l’inconfort due à la reconnaissance de l’oppression des animaux.
CertainEs individuEs récupèrent et consomment de la chair animale et ses produits dérivés des poubelles, ce qui découle de la même mentalité suprémaciste humaine. Souvent justifiée comme une tentative de ne pas laisser leurs corps “être gâchés”, la persistance de la vision de ces animaux mortEs comme des produits alimentaires illustre la profondeur des mentalités capitaliste et anthropocentriques. Cette activité permet toujours les mêmes relations sociales spécistes que celles existant dans l’achat de la chair et des secrétions animales dans le commerce.
Même dans la mort, le spécisme atténue les sentiments de deuil. Plutôt que de recevoir les mêmes rituels d’adieu et enterrements communs entre humainEs lors de leur mort, les corps pourrissants des chevreuils et autres animaux non-humainEs tuéEs par des voitures sont souvent ignorés et laissés à se réduire dans une désintégration putride sur les autoroutes et bords de route.
Il serait incohérent et illogique de déclarer une guerre contre le Léviathan qui n’inclurait pas une révolte individuelle contre le spécisme. Je refuse de permettre à la propagande suprémaciste humaine de la société industrielle capitaliste d’influencer et d’altérer ma perception des autres animaux. Je maintiens une hostilité envers toutes les valeurs culturelles et traditions passées ou présentes qui sont teintées du sang de l’exploitation, de la consommation ou du sacrifice d’animaux non-humainEs. La dévotion au ‘spectre’ d’une identité socialement construite – que ce soit la race, le genre, ou l’espèce – conduit souvent les gens à considérer un certain droit de propriété sur le corps des autres. On peut alors observer un recoupement entre celleux qui placent la culture ou des traditions au-dessus de la pensée ou de l’action indépendante, et la préservation de valeurs suprémacistes humaines qui ne respectent pas en compte l’autonomie individuelle des animaux non-humainEs.
De même que mon égoïsme constitue une célébration de ma propriété de mon propre corps, je respecte la même chose pour toustes les autres animaux. De même que j’affirme ma volonté et mon désir d’être libre de tout contrôle social et de toute domination, je reconnais le droit de toutE autre animalE à une vie libérée de l’autoritarisme arbitraire de la suprématie humaine.
Pour moi, l’égoïsme implique le véganisme de la même façon qu’il implique l’anarchisme, le nihilisme, et l’individualisme. Mais sans l’action, ceux-ci ne sont que de simples fantômes – des concepts vides d’une catégorisation auto-assignée. En tant que labels ils n’ont que le pouvoir de décrire des relations anti-autoritaires. Ces labels deviennent encore moins nécessaires lorsque transformés en des expériences vécues – un mode de vie d’éco-révolte où les actions définissent les individues plus précisément que la philosophie. En tant qu’anarchiste antispéciste, j’ai une relation vegan avec toustes les animaux ; je reconnais l’hypocrisie dans l’idée de défendre leur libération tout en remplissant le rôle humaniste d’activement les consommer.
CertainEs pourraient me considérer comme un.e solitaire lunatique dont l’égoïsme va décourager le monde de voir le véganisme sous un angle favorable. Peut-être que certainEs vont interpréter ma passion comme étant trop abrasive, conflictuelle – même puritaine. Mais comme je l’ai précédemment mentionné dans d’autres textes, je ne suis pas motivé.e par le groupe, ‘les masses’, une cause révolutionnaire ou un mouvement populaire. Je suis motivé.e par la réalité actuelle qui, au volume à fond, informe mes sens d’une guerre en cours contre la nature et le sauvage – une guerre qui inclut les pratiques normalisées de relationner avec les autres animaux comme de simples produits et ressources à exploiter, torturer, et consommer.
Si je suis complètement un.e égoïste, alors je reconnais l’Ego des autres et le désire de cet Ego à ne pas être contrôlé ou dominé. Je n’appartiens à personne, et personne ne m’appartient. Cette relation sociale ne constitue pas une forme de politique. La politique implique la gouvernance sociale guidée par une autorité externe. Mon mode de vie est anti-politique – rejetant tous pouvoir et autorité anthropocentriques construits pour gouverner mes interactions sociales avec les autres animaux. Mon refus de voir les animaux non-humainEs comme de la ‘nourriture’ à consommer peut facilement être compris comme une expression primaire de ce mode de vie anti-autoritaire.
Mon égoïsme vegan n’est pas un programme politique libéral destiné à être reconnu et édulcoré par la société de masse ; il est mieux compris comme un mode de vie anti-social qui nie activement l’ordre social moraliste de l’identité et du suprémacisme humains. Mon égoïsme vegan n’inclut ni optimisme insensé ni attentes utopiques ; il n’y a aucune cause ou mouvement vegan (ou même anarchiste ou communiste d’ailleurs) capable d’abattre la société industrielle-capitaliste. Il y a seulement des vegans égoïstes – des individualités sauvages – qui déclarent la libération animale par la confrontation, se battant sans espoir au sein de l’abysse du conflit permanent avec le Léviathan.
Je suis vegan comme je suis un.e animal.e, un.e égoïste, un.e nihiliste et un.e anarchiste. En tant qu’animalE, je constate que ma libération est entrelacée avec la libération des autres animaux – une union d’égoïstes qui se rencontrent et se dispersent de manière informelle dans la zone de guerre de la libération animale.
A celleux qui prêtent allégeance à la doctrine sociale du suprémacisme humain et m’ont désigné.e comme ennemi.e, je leur dis, que la chasse commence !