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En anglais :
Communiqué du Black Bloc du 30 novembre
à propos de Seattle
Rapport d’une des sections du Black Bloc anarchiste durant les événements du 30 novembre à Seattle :
Le 30 novembre, plusieurs groupes d’individues du Black Bloc ont attaqué différents objectifs dans le centre ville de Seattle. Parmi eux (pour n’en citer qu’une partie), on trouve :
– Fidelity Investment (principal investisseur dans Occidental Petroleum, la plaie de la tribu U’wa en Colombie),
– Bank of America, U.S. Bancorp, Key Bank et Washington Mutual Bank (institutions financières clés dans l’expansion des grands groupes),
– Old Navy. Banana Republic et le GAP (entreprises familiales qui pillent les forêts du Nord-Ouest et les ouvrieres des ateliers de confection),
– NikeTown et Levi’s (dont les produits hors de prix sont fabriqués dans des ateliers de confection où l’on exploite le personnel),
– McDonald’s (fast-food esclavagiste responsable de la destruction des forêts tropicales, et du massacre d’animaux),
– Starbucks (fabriquant d’une matière première dont les produits sont récoltés par des paysanes sous-payées et obligés de détruire leurs forêts),
– Warner Bros. (monopole médiatique),
– Planet Hollywood (pour le simple fait d’être Planet Hollywood)
Cette activité dura plus de 5 heures et entraîna la destruction de vitrines et de portes de magasins ainsi que la dégradation de façades. Des lance-pierres, des distributeurs de journaux, des marteaux, des maillets, des leviers, des pinces ont été utilisés pour détruire de façon stratégique la propriété privée et pouvoir entrer (un des trois Starbucks et Niketown visés ont été pillés). Des œufs remplis d’une solution d’eau-forte pour verre, des pistolets de peinture et de la peinture en bombe ont également été utilisés.
Le Black Bloc est un ensemble plus ou moins organisé de groupes et individues réunies par affinité qui se baladent dans le centre ville, attirées parfois par des devantures de magasins vulnérables et éminentes, parfois par la vue d’un groupe de policiers. Contrairement à la majeure partie des activistes qui ont été gazés (poivre et lacrymogènes) et atteints par des balles de caoutchouc à plusieurs occasions, la plupart de notre section du Black Bloc a évité les blessures graves en restant constamment en mouvement et évitant la bagarre avec la police. Nous sommes restés groupées et nous regardions toujours derrière nous. Celles/ceux qui étaient attaquées par les bandits fédéraux ont été rapidement libérées par des membres du Black Block réagissant vite et organisées. Le sens de la solidarité était imposant.
La Police de la Paix
Malheureusement, la présence et la persistance de services d’ordre ont été perturbantes. Au moins à six occasions, des soi-disant activistes « non violentes » ont attaqué physiquement des individus qui voulaient s’en prendre à la propriété privée. Certaines sont même allées jusqu’à se tenir devant le grand magasin NikeTown pour attaquer et repousser le Black Bloc. En fait, ces « gardiennes de la paix » comme elles/ils se nomment elles/eux-mêmes ont été bien plus menaçantes vis-à-vis du Black Bloc que les « gardiennes de la paix » en uniforme de l’Etat, notoirement violentes (des policieres ont même utilisé la couverture des activistes « gardiennes de la paix » pour tendre une embuscade à celles/ceux qui commençaient à détruire la propriété privée).
La réaction contre le Black Bloc
La réaction contre le Black Bloc a mis en lumière certaines des contradictions et des oppressions internes de la communauté « activiste non violente ». En dehors de l’hypocrisie évidente de celles/ceux qui se sont montrées violentes avec les gens vêtus de noir et masqués (nombre d’entre elles/eux ont été frappées malgré le fait qu’elles/ils ne se sont jamais engagées dans la destruction de la propriété), il apparaît un racisme d’activistes privilégiées qui peuvent s’offrir d’ignorer la violence perpétrée contre la majeure partie de la société et la nature au nom des droits de la propriété privée. L’attaque des vitrines a concerné et inspiré beaucoup des personnes parmi les plus opprimées de la ville de Seattle, et ce bien plus que n’importe quelles marionnettes géantes ou costumes de tortues de mer (ce qui ne remet pas en cause leur utilisation par d’autres groupes).
Dix mythes à propos du Black Bloc
Voici un petit quelque chose pour dissiper les mythes qui circulent à propos du Black Bloc N30 :
1. « Ils sont tous une bande d’anarchistes d’Eugene. » Bien que certaines puissent être des anarchistes d’Eugene, nous sommes originaires de tous les Etats-Unis, y compris Seattle. Dans tous les cas, la plupart d’entre nous connaissent les problèmes locaux à Seattle (par exemple, la récente occupation du centre ville par certains des plus infâmes commerçants multinationaux).
2. « Ils sont tous adeptes de John Zerzan. » [1] De nombreuses rumeurs courent qui nous présentent comme des adeptes de John Zerzan, un auteur anarcho-primitiviste de Eugene qui prône la destruction de la propriété. Bien que certaines d’entre nous peuvent apprécier ses écrits et analyses, il n’est en aucun cas notre leader, directement, indirectement, philosophiquement ou d’une autre manière.
3. « Le squat « public » est le quartier général des anarchistes qui s’en sont pris à la propriété le 30 novembre. » En réalité, la plupart des personnes du squat « Zone autonome » sont des habitantes de Seattle qui ont passé la plus grande partie de leur temps, depuis l’ouverture le 28, à l’intérieur du squat. Bien qu’ils puissent se connaître, les deux groupes ne font pas un et en aucun cas le squat ne doit être considéré comme le quartier général des gens s’étant attaqués à la propriété.
4. « Ils ont aggravé la situation, ce qui a mené au gazage des manifestants non violents. » Pour répondre, nous avons seulement besoin de noter que les tirs de grenades lacrymogènes, les jets de poivre et les tirs de balles en caoutchouc ont tous commencés avant que le Black Bloc (autant que nous savons) commence à s’engager dans la destruction de la propriété. En plus, nous devons aller à l’encontre d’une tendance qui établit une relation de cause à effet entre la répression policière et la protestation sous toutes ses formes, qu’il s’agisse de la destruction de la propriété ou non. La police a chargé dans le but de protéger les intérêts de quelques possédantes et la responsabilité de la violence ne peut pas être mise sur le dos de celles/ceux qui protestent contre ces intérêts.
5. Inversement : « Ils ont agi en réponse à la répression policière. » Bien que cela puisse constituer une meilleure image du Black Bloc, c’est faux dans tous les cas. Nous refusons d’être désignées comme une simple force de réaction. Bien que la logique du Black Bloc puisse échapper à certaines, c’est dans tous les cas une logique en faveur de l’action.
6. « Ils sont une bande de jeunes garçons en colère. » En dehors du fait que dire cela revient à faire preuve d’âgisme et de sexisme, c’est faux. La destruction de la propriété n’est pas une libération fondée sur une agitation machiste ou chargée de testostérone. Ce n’est pas non plus une colère déplacée et réactionnaire. C’est stratégiquement et spécifiquement de l’action directe dirigée contre des intérêts privés.
7. « Ils veulent juste se battre. » C’est proprement absurde, et c’est une façon commode d’ignorer l’ardeur de la « police de la paix » à nous attaquer. De tous les groupes engagés dans l’action directe, le Black Bloc était peut-être le moins enclin à provoquer les flics et nous n’avions certainement aucun intérêt à nous battre contre les autres militantes anti-OMC (malgré de grands désaccords dans la tactique à mener).
8. « C’est une foule chaotique, désorganisé et opportuniste. » Bien que nombre d’entre nous pourraient sûrement passer des jours à discuter du terme « chaotique », nous n’étions certainement pas désorganisées. L’organisation a pu être fluide et dynamique, mais elle était serrée. Quant à l’accusation d’opportunisme, il serait difficile d’imaginer qui parmi toutes celles/ceux qui participaient n’a pas essayé de tirer avantage de l’opportunité créée à Seattle pour mettre en avant son programme. La question devient, alors, si oui ou non nous avons créé cette opportunité, et la plupart d’entre nous l’ont certainement fait (ce qui mène au mythe suivant) :
9. » Ils ne connaissent pas les problèmes » ou « ce ne sont pas des militants qui ont travaillé là-dessus. » Bien que nous ne soyons pas des militantes professionnelles, nous avions toutes travaillé sur cette convergence à Seattle depuis des mois. Certaines ont réfléchi chez elles/eux, d’autres se sont rendues à Seattle des mois à l’avance pour préparer cela. Il est certain que nous étions responsables de la présence de centaines de personnes qui sont descendues dans les rues le 30 novembre, seule une très petite minorité ayant quelque chose à voir avec le Black Bloc. La plupart d’entre nous avons étudié les effets de la mondialisation de l’économie, du génie génétique, du pillage des ressources naturelles, des transports, des conditions de travail, de la suppression de l’autonomie des indigènes, des droits des animaux et des humains et nous avons fait des actions sur ces thèmes depuis plusieurs années. Nous ne sommes ni mal informées ni inexpérimentées.
10. « Les anarchistes masqués sont antidémocratiques et camouflés parce qu’ils cachent leur identité. » Bon, regardons les choses en face (avec ou sans masque), nous ne vivons pas actuellement en démocratie. Si cette semaine n’a pas rendu les choses assez claires, laissez-nous vous rappeler que nous vivons dans un Etat policier. Il y a des gens qui nous disent que si nous croyons vraiment avoir raison, nous ne nous cacherions pas derrière des masques. « La vérité l’emportera » est la revendication. Si c’est un juste et noble but, cela ne marche pas dans la réalité présente. Celles/ceux qui menacent sérieusement les intérêts du capital et de l’Etat seront persécutées. Certaines pacifistes voudraient nous voir accepter cela joyeusement. D’autres nous diraient que c’est un sacrifice qui en vaut la peine. Nous ne sommes pas aussi moroses. Nous ne sentons pas non plus que nous avons le privilège d’accepter la persécution comme un sacrifice : la persécution est pour nous quotidienne et inévitable et nous tenons à nos maigres libertés. Accepter l’incarcération comme une sorte de flatterie est l’apanage d’un privilège d’ »occidentaux ». Nous pensons qu’une attaque de la propriété privée est nécessaire si nous voulons reconstruire un monde qui serait utile, sain et joyeux pour toutes. Et ce malgré le fait que les droits hypertrophiés de la propriété privée dans ce pays transforme en félonie des accusations pour toute destruction de propriété supérieure à 250 $.
Les motivations du Black Bloc
Le but principal de ce communiqué est d’éclairer un peu du mystère qui entoure le Black Bloc et de rendre certaines de ses motivations plus transparentes, puisque nos masques ne peuvent pas l’être.
Sur la violence de la propriété
Nous considérons que la destruction de la propriété n’est pas un geste violent à moins que cela ne détruise des vies ou cause des blessures. Selon cette définition, la propriété privée – en particulier la propriété privée des entreprises – est elle-même infiniment plus violente que toute action entreprise contre elle.
On doit distinguer la propriété privée de la propriété personnelle. Cette dernière est basée sur l’usage alors que la première est basée sur l’échange. Le prémisse de la propriété personnelle est que chacune d’entre nous dispose de ce dont elle/il a besoin. Le prémisse de la propriété privée est que chacune d’entre nous dispose de quelque chose dont quelqu’une d’autre a besoin ou désire. Dans une société basée sur les droits de la propriété privée, les personnes qui sont capables d’accumuler le plus ce dont les autres ont besoin ou désirent ont un pouvoir plus grand. Par extension, elles exercent un contrôle plus important sur ce que les autres perçoivent comme des besoins et des désirs, habituellement dans l’intérêt d’accroître leurs profits.
Les avocates du « libre échange » aimeraient voir ce processus amené à sa conclusion logique : un réseau de quelques monopoles d’industrie disposant d’un ultime contrôle sur la vie de toutes. Les avocates du « commerce équitable » aimeraient voir ce processus atténué par des régulations gouvernementales dont le but serait d’imposer superficiellement des normes de base en matière de droits humains. En tant qu’anarchistes, nous méprisons les deux positions.
La propriété privée – et le capitalisme par extension – est intrinsèquement violente et répressive et ne peut être réformée ou atténuée. Que le pouvoir de toutes soit concentré entre les mains de quelques entreprises ou réparti au sein d’un appareil de régulation chargé d’atténuer les désastres de ces dernières, nulle ne peut être aussi libre ou détenir autant de pouvoir qu’elle/il ne le pourrait dans une société non-hiérarchique.
Quand nous brisons une vitrine, nous avons l’intention de détruire le mince vernis de légitimité qui entoure les droits de la propriété privée. Dans le même temps, nous exorcisons cet ensemble de relations sociales violentes et destructives qui ont imprégné presque tout autour de nous. En « détruisant » la propriété privée, nous transformons sa valeur d’échange limitée en une valeur d’usage étendue. Une devanture devient un conduit laissant passer de l’air frais dans l’atmosphère oppressive de la vente de marchandises (au moins jusqu’à ce que la police ne décide de lancer des lacrymogènes sur une barricade toute proche). Un distributeur de journaux [2] devient un outil pour créer de tels « conduits » ou un petit blocus pour revendiquer l’espace public ou un objet pour améliorer son point de vue en se tenant debout dessus. Une benne à ordures devient un encombrement pour une armée de flics anti-émeutes et une source de chaleur et de lumière. Une façade d’immeuble devient un tableau pour noter des idées en vue d’un monde meilleur.
Après le 30 novembre, beaucoup de gens ne regarderont plus une vitrine de magasin ou un marteau de la même manière qu’avant. Les utilisations possibles de l’espace urbain se sont multipliées par 100. Le nombre de vitrines éclatées est ridicule comparé au nombre de sorts brisés – sorts jetés par l’hégémonie des entreprises pour nous endormir et nous faire oublier toutes les violences commises au nom de la propriété privée et tout le potentiel d’une société sans elle. Les vitres brisées peuvent être rebouchées (avec un gâchis en bois toujours plus grand) et éventuellement remplacées, mais le fracas de notre arrogance et de nos espoirs persistera avec un peu de chance pour quelque temps.
Contre le capital et l’Etat,
le collectif ACME, 5 décembre 1999.
Contact : P.O. Box 563, Morgantown, wv, 26 507, USA
jeff@tao.ca
Démenti : Ces observations et analyses représentent seulement celles du collectif ACME et ne doivent pas être jugées représentatives du reste du Black Bloc sur le 30 novembre ou de toute autre personne qui aurait participé a l’émeute ou à la destruction de la propriété ce jour-là.
Traduction (plus que) largement inspirée de celle parue dans le #79 de l’excellent journal Cette Semaine.
Seattle : point de vue anarchiste radical
Un Groupe d’intellectuels activistes défend les dommages stratégiques faits à la propriété privée des entreprises à Seattle et à Eugene.
Aux organisateurs des manifestations contre l’O.M.C. : n’abandonnez pas les radicaux.
« Le peuple, uni, jamais ne sera vaincu ! » était l’un des slogans les plus entendus au cours des jours de contestation du sommet de l’O.M.C. a Seattle. Par contre, ce qui était assez frappant des manifs anti-O.M.C. était le niveau de conflit entre, d’une part, les adhérents de la méthode « non violente » de manifester et d’autre part ceux qui voulaient exprimer leurs sentiments plus concrètement face au capitalisme global. Une marée de réactions prend de l’ampleur contre ces derniers, nourrie d’une grande arrogance de la part des « non-violents ».
Etant un groupe d’intellectuels militants, nous sentons le besoin d’adresser notre appui au groupe que les médias nomment, et ce quelque peu sans précisions, « Les anarchistes de Eugene ».
Nous, la grande gauche – anti entreprises privées, pour un monde humain – avons contrôlé communautairement les rues du centre ville de Seattle de 7h à 19h dans la journée de mardi le 30 novembre.
Après cette période et suivant les déclarations du Maire de Seattle Schell et du gouverneur de l’état de Washington Locke, les rues de Seattle sont devenues une zone de guerre à cause de la violente offensive de la part de la police locale, de la police de région, de l’état de Washington et de la Garde nationale. Rappelons que durant la période d’occupation communautaire de 7h à 19h, les rues étaient une zone libérée.
A l’intérieur de cette zone libérée, un spectrum de protestation et d’activités de résistance a eu lieu, dont beaucoup nous ont donné chaud au cœur. Des attaques par les manifestants contre les magasins appartenant à des entreprises multinationales, ce que nous appelons la violence contre la propriété, étaient l’une des stratégies conscientes qui ont été utilisées. Ces activités ont débutées dans l’après-midi de lundi le 29 novembre, avec la destruction d’une fenêtre d’un McDonald.
Le jour suivant, mardi le 30 novembre, ils ont commencé une fois de plus vers 10h, au coin de la sixième avenue et de la rue Pike, et ce quand la police a décidé d’attaquer la foule avec des gaz lacrymogènes et des balles de caoutchouc. Au courant de la journée, plusieurs manifestants, protégeant leur identité avec des cagoules, ont formes un « Black Bloc » pour ainsi attaquer les magasins inoccupés de géants capitalistes tels que Gap, Nike, Levi’s, Disney et la banque d’Amérique. Ceci est un point important que les médias et le Président Clinton, entre autres, tentent de laisser dans l’obscurité : la foule n’a pas attaqué les « magasins de moma et papa » (ex à Montréal : des pizzerias a 99 cents) mais bien les manifestations physiques de la « McDomination ».
Les adhérents de la contestation « non-violente » prêchent contre les attaques visant la propriété privée des corporations. Nous pensons que ceci est une acceptation non-critique du système de valeurs dominant de nos sociétés de consommation : ils acceptent que la propriété privée a une valeur plus grande que celle de la vie.
A ce moment, nous sentons que, en tant qu’activistes, le débat de ces enjeux doit se faire et se poursuivre entre nous. Le problème que nous adressons immédiatement est que ces activistes « non violents » ont utilisé leur avantage numérique pour isoler et dominer les pratiquants de philosophies de résistance autre que les leurs : plus visiblement, ces tactiques ont été utilisées contre les anarchistes du « Black Bloc ». Pendant que le spectrum des activités de protestation se manifestait, nous avons témoigné de scènes où des activistes « non violents » ont joint leurs bras ensemble formant une ligne pour ainsi protéger le magasin thématique « Nike Town » des attaques agressives d’un « Black Bloc ». La police anti-émeute allait bientôt remplacer les « partisans de la paix » comme pour dire : « Nous ferons la tâche maintenant ; vous (les non-violents) protégez la propriété privée volontairement, nous le faisons professionnellement ». A d’autres endroits durant la journée, des activistes « non-violents » ont démasqué des manifestants cagoulés et même, à au moins une occasion, ils ont battu un individu qui agissait contre la propriété privée.
Beaucoup d’éléments de la communauté de gauche – anti entreprises privées, pour un monde humain – se sont distanciés des formes directes de militantisme. Le « World Trade Observer », un journal publié par un réseau de groupes environnementaux « mainstream » et d’organisations prônant le travail juste, est un bon exemple de ceci. Dans ce journal nous pouvons lire l’écriture de personnalités « connues » comme Ralph Nader et Norman Solomon.
Leur description des événements du 30 novembre évoque le « thème troublant » de la pratique de « la police qui choisissait des manifestants pacifistes pour les gaz et les matraques tout en ignorant les « hooligans » en noir qui cassaient des fenêtres et faisaient des graffitis ». Nous avons témoigné de scènes ou d’autres manifestants « non-violents » ont critiqué la police, non pas pour avoir engagé une guerre pour vider les rues de Seattle de manifestants, mais parce qu’ils n’étaient pas entrés dans la foule pour en extraire les manifestants plus militants (violents). L’implication de ses propos est que la foule aurait « vendu » quelques uns de ses membres à la police, si, bien sûr, la police l’avait demandé. Nous encourageons fortement les activistes progressistes qui ont cette position de la reconsidérer.
Il y aura sans doute des répercussions concernant le fait que nous avons pris contrôle d’une grande ville pour 12 heures lorsque la plus importante machine administrative du capitalisme mondial siégeait à un sommet pour prévoir le prochain millénaire. Ce n’est pas juste, et d’autant plus, c’est irresponsable d’offrir les « Anarchistes de Eugene » à l’Etat comme seuls responsables des événements. Sans l’appui de l’ensemble des manifestants anti-O.M.C., les pratiquants de l’action directe sont à risque.
Les « Grand Jury » (jury d’accusation) sont devenus communs dans les mouvements militants écologiques et ceux à la défense des animaux : nous ne serions pas surpris que dans ce cas-ci la justice ferait une enquête explorant « l’incitation a l’émeute » qui a eu lieu la journée de rage très bien visée à Seattle. Les masques à gaz ont été déclarés illégaux à Seattle a cause des mesures prises par le Maire Schell et le port de capuchons est exploré par les procureurs de Eugene comme une excuse possible pour allonger des sentences.
Le prix à payer pour protéger son identité de la police est à la hausse. En étant des gens qui sont intéressés à contre-agir face aux effets néfastes de la mondialisation et voulant assurer un nouveau millénaire vivable, nous devons d’une façon consciente confronter la criminalisation des philosophies politiques radicales.
Nous pensons que ceux qui méprisent et qui se distancient des actions des « Anarchistes de Eugene » ont soit ignoré ou n’ont simplement pas réalisé les contributions des anarchistes en noir et bien d’autres dans l’organisation de la résistance du 30 novembre.
Ces contributions sont les méthodes joyeuses et innovatrices du « Direct Action Network », l’effort de conscientisation de « Left Bank Books », les structures sociales alternatives offertes par « Food not Bombs » et de « Homes not jails », sans oublier la ligne téléphonique anarchiste, les réseaux de logements et ainsi de suite.
N’oublions pas que ces organisations ont pu amener des jeunes banlieusards blancs à prendre l’action militante face à l’ennemi réel, ce qui est assez impressionnant. Cela a pris des années d’organisation pour que ces groupes anarchistes soient arrivés au point où ils sont rendus ; nous, au moins, reconnaissons cet effort.
Si la communauté gauchiste est pour être unie et forte, de plus en plus de communication et de discussions internes a propos de ces enjeux stratégiques sont nécessaires.
L’information pour nous contacter est disponible plus bas. Nous avons de l’expérience dans les mouvements sociaux ; nous avons réussi, quelques fois, à contrer la répression. Contactez nous !
– Daniel Burton-Rose, (206) 324-8165, ex. 1. Co-éditeur de « The Celling of America : An Inside Look at the U.S. Prison Industry » (Common Courage Press, 1998), éditeur, WIN : a newsletter on activism at the extremes.
– Ward Churchill, (303) 492-5066 (voice mail). Auteur de « Pacifism as Pathology : Reflections on the Role of Armed Struggle in North America » (Arbeiter Ring : 1998).
– Robin Hahnel, (202) 885-2712, rhahnel@american.edu. Auteur de « Panic Rules : Everything You Need to Know About the Global Economy » (South End Press, 1999) ; Professor, American University.
– Kent Jewell, (206) 324-8165, ex. 3. Ex-co-propriétaire de Left Bank Books Collective.
– George Katsiaficas, (617) 989-4384. Auteur de « The Subversion of Politics : European Autonomous Social Movements and the Decolonization of Everyday Life » (Humanities Press, 1997) et de « The Global Imagination of the New Left » (South End Press, 1987) ; éditeur, avec Kathleen Cleaver, de « Liberation, Imagination, and the Black Panther Party » (Routledge, à paraître) ; éditeur de New Political Science.
– Christian Parenti, (415) 626-4034, seapea@juno.com. Auteur de « Lockdown America : Police and Prisons in the Age of Crisis » (Verso, 1999) ; professeur au New College.
– Robert Perkinson, (203) 772-1600, robert.perkinson@yale.edu. Professeur à Yale University.
Déclaration de solidarité avec le « Black bloc anarchiste » de Seattle
par l’Initiative pour une Fédération des communistes libertaires du Nord-est.
Les membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), une instance décisionnelle internationale de gestion de la déréglementation du capitalisme mondialisé, se sont réunis récemment à Seattle aux États-Unis pour une troisième conférence interministérielle.
L’OMC est une organisation qui regroupe 133 gouvernements nationaux, elle favorise les multinationales, exploite les paysans, supporte l’esclavage des enfants, détruit l’environnement un peu partout sur la planète et nie les droits du travail. Le 30 novembre dernier, journée des cérémonies d’ouverture de la conférence d’une semaine, les délégations furent accueillies par des dizaines de milliers de manifestantEs qui, non seulement ont compromis l’ouverture de la conférence, mais ont réussi également à bloquer tout le centre-ville commercial de Seattle pendant la majeure partie de la journée. Cela fut fait par l’utilisation de vastes et joyeuses formes de résistance, de tactiques de manifestation innovatrices et d’une solidarité entre les différents groupes militants.
Des groupes militants ont construit, tout au long de la journée, des barricades efficaces et ont occupé les rues l’une après l’autre avec succès. La police a répondu à ces actions par l’utilisation sans provocation de gaz lacrymogènes, de poivre de Cayenne, de balles de caoutchouc, de bombes à « concussion », de points de pression et de matraquage, ce qui a transformé une situation instable en une série de tapageuses batailles de rue. Parmi les formes les plus radicales de manifestation, il y avait le black bloc anarchiste, une masse d’individus et de groupes d’affinité organisés de façon souple, qui, en s’attaquant et en détruisant la propriété de compagnies spécifiquement ciblées, s’est engagé dans différentes formes de dommages économiques . Parmi les compagnies visées, il y avait, entre autres, NikeTown et Levi’s (dont les produits trop chers sont faits dans des « sweatshops »), Fidelity investment (investisseur majeur d’Occidental Petroleum qui est en train d’anéantir la tribu U’wa en Colombie), la Bank of America, U.S. Bancorp, Key Bank et la Washington Mutual Bank (l’institution financière clé dans l’expansion de la répression des corporations multinationales).
Le Collectif ACME, dans leur communiqué sur le Black Bloc, ont bien exprimé notre pensée en déclarant :
« En tant qu’anarchistes, nous considérons que la destruction de propriété n’est pas un geste violent si cela n’anéantit pas de vie et ne cause pas de blessures. Selon cette définition, la propriété privée —spécialement la propriété privée des corporations— est en elle-même infiniment plus violente que toute action entreprise contre elle.
La propriété privée doit être distinguée de la propriété personnelle. Alors que cette dernière est basée sur l’usage, la première s’appuie sur l’échange. La prémisse de la propriété personnelle est que chacun de nous utilisons ce dont nous avons besoin. Alors que la prémisse de la propriété privée veut que certainEs d’entre nous utilisent des choses dont d’autres ont besoin ou désirent. Dans une société basée sur les droits de la propriété privée, les personnes qui sont capables d’accumuler ce dont les autres ont besoin ou désirent ont plus de pouvoir. Par extension, elles contrôlent mieux ce que les autres perçoivent comme des besoins et des désirs, habituellement dans le but d’accroître leur profits.
Les tenantEs du « libre-échange » aimeraient voir ce processus amené à sa conclusion logique : un réseau d’industries monopolistiques qui ont l’ultime contrôle sur la vie de tout le monde. Quant aux tenantEs du « commerce équitable », ils et elles désireraient voir ce processus atténué par des régulations gouvernementales qui imposeraient superficiellement des normes de base en matière de droits humains. En tant qu’anarchistes, nous méprisons les deux positions. La propriété privée —et le capitalisme par extension— est intrinsèquement violente et répressive et ne peut être réformée ou atténuée. Que le pouvoir de tous et toutes soit concentré entre les mains de quelques corporations ou réparti au sein d’un appareil de régulation chargé d’atténuer les désastres des premiers, nul ne pourra y être aussi libre et détenir autant de pouvoir que dans une société non-hiérarchique. »
Nous, l’Initiative pour une Fédération des communistes libertaires du Nord-est, exprimons notre plus profonde solidarité avec nos camarades qui ont pris sur eux de combattre le capitalisme là où ça fait mal et de démontrer au monde entier le rôle important que sera appelée à jouer la résistance radicale dans les luttes à venir.
Ne laissons pas les coups contre le système capitaliste cesser ! Des rues d’Athènes en Grèce à celles de Seattle aux États-Unis, notre résistance anarchiste est, et continuera d’être, aussi transnationale que le capital !
Solidarité et Révolution,
L’Initiative pour une Fédération des communistes libertaires du Nord-est, 5 janvier 2000.
Signé par : Groupe Anarchiste Émile-Henry (Québec), Groupe Nosotros (Baltimore), Collectif Prole Revolt (Morgantown, WV), Collectif du journal We Dare Be Free (Boston), Groupe Sabate (Boston) et un certain nombre de communistes libertaires du New-Hampshire, du Massachusetts, du Connecticut, du New Jersey, de la Pennsylvanie, de l’Ohio, de l’État de New York et du Québec.
Solidarité avec les anarchistes arrêtéEs à Seattle
Nous, en tant que participantEs actifs et actives à l’Initiative pour une Fédération des communistes libertaires du nord-est, lançons un appel urgent de fonds en solidarité avec les militantEs appréhendéEs durant les manifestations anti-OMC à Seattle dans la semaine du 30 novembre 1999.
La Défense légale du Direct Action Network (DAN, réseau d’action directe), ainsi que le Mutual Aid Legal Fund (Fonds légal d’aide mutuelle), s’organisent sur la Côte Ouest pour garantir des fonds pour aider aux coûts légaux associés avec la défense d’un grand nombre de personnes et en préparation de la possibilité d’une bataille légale prolongée.
En plus des centaines de cas “misdemeanor” (dont plusieurs ont déjà été abandonnés), un certain nombre d’anarchistes [18 d’après la presse, ndlt] furent arrêtéEs et accusés plus tard de “felony”. Ces accusations en particulier, vont nécessiter une quantité significative de support financier. En tant que révolutionnaires anarchistes, nous sommes particulièrement soucieux de supporter ces anarchistes qui font face à des accusations de “felony”. Des gestes de solidarité avec ceux et celles qui osent, que ce soit localement ou internationalement, sont une des composantes les plus nécessaires pour le maintient d’un mouvement révolutionnaire fort. Sous aucunes circonstances nous ne laisserons nos militantEs actifs et actives être abandonnéEs.
Nous croyons que l’action directe contre la propriété des grandes corporations est une tactique souvent nécessaire dans la lutte contre le capitalisme. Nous voyons une entité telle que l’OMC comme une figure de proue du système capitaliste, dont le rôle est de renforcer l’ordre du jour libre échangiste globalement. Ce système est en croissance exponentielle et doit être détruit. Donc, nous supportons tout acte de résistance entrepris contre des organisations telle que l’OMC, les grandes corporations et leur propriété, et les institutions oppressives qui sont créées comme effets secondaires du capitalisme. De même, nous supportons pleinement toute action entreprise en autodéfense contre la menace physique directe de la police. Utiliser tout moyen à sa disposition pour s’engager dans des actes de résistance physique et d’autodéfense est une réponse désirable, et souvent nécessaire, à la violence répressive de l’État.
Le Mutual Aid Legal Fund (Fonds légal d’aide mutuelle), une organisation sans buts lucratifs basée à Seattle, a été organisé en partie pour s’assurer que les anarchistes accusés de “felony” reçoivent les représentations légales et l’argent de soutien légal qu’ils et elles méritent. L’argent que nous récolterons sera destiné au Mutual Aid Legal Fund spécialement pour ces cas de “felony”. Le Mutual Aid Legal Fund a ouvert un compte de banque et accepte la monnaie canadienne.
On peut les rejoindre à : bd259@scn.org
Dans l’Est des États-Unis, veuillez s.v.p. envoyer les fonds à :
Seattle Legal Defense, c/o We Dare Be Free, P.O. Box 230685, Boston MA 02123, USA
Au Canada, veuillez les adresser à :
Seattle Legal Defense c/o Groupe anarchiste Émile-Henry, C.P. 55051, 138 St-Vallier O., Québec (QC), G1K 1J0, Canada
Pour plus d’info sur l’Initiative pour une Fédération des communistes libertaires du Nord-Est aller sur :
http://www3.sympatico.ca/emile.henr… ou http://www.nefac.net/
ou écrire à emile.henry@sympatico.ca
Pourquoi il faut toujours manifester masqué
On ne le dira jamais assez, le fond de l’air étant froid, il faut toujours prévoir un foulard, une bandana ou un keffieh quand on va manifester. Vous vous êtes toujours demandées à quoi pouvait bien servir tous ces flics avec appareil photo et caméras vidéo dans les manifs ? Et bien allez faire un tour sur le site web des flics de Seattle et vous comprendrez :
http://www.pan.ci.seattle.wa.us/sea…
On y trouve de nombreuses photos de celles et de ceux que les flics recherchent suite aux « événements » de Seattle, plus communément appelé la « bataille de Seattle » dans les milieux anars et radicaux militants. Malheureusement, de trop nombreuses/eux camarades n’avaient PAS suivi ce conseil élémentaire du b-a-ba militant et ont donc maintenant beaucoup plus de chances de se faire choper.
Prévoir un foulard n’est pas une question de romantisme révolutionnaire mais bien l’envers d’une triste réalité d’aujourd’hui : Big brother nous regarde !
[1] On peut, par exemple, se reporter à l’ouvrage Aux sources de l’aliénation, de John Zerzan, paru aux éditions de l’Insomniaque, octobre 1999, 128 p. et à Futur primitif, au même collectif d’édition, décembre 1998, 94p.
[2] Il s’agit de machines automatiques.