Zine : print | read via anarchy euphoria
Lien original : par Bash Back!, via Queer Ultra Violence
En anglais : My Preferred Gender Pronoun is Negation
Extrait de : Queer Ultra Violence


Le texte suivant est un extrait d’un obscur communiqué ayant circulé de façon plutôt limitée au sein du milieu anarchiste, à la suite des combats de rue qui se sont produits au sommet du G20 de Pittsburgh, Pennsylvannie, en septembre 2009.

Où réside donc la possibilité positive de l’émancipation allemande ?
Réponse : dans la formation d’une classe aux chaînes radicales, d’une classe de la société civile qui ne soit pas une classe de la société civile, d’un groupe social qui ne soit la dissolution de tous les groupes, d’une sphère qui possède un caractère d’universalité par l’universalité de ses souffrances et ne revendique pas de droit particulier, parce qu’on lui fait tenir non une injustice particulière mais l’injustice en soi, qui ne puisse plus se targuer d’un titre historique, mais seulement d’un titre humain, qui ne soit pas en contradiction exclusive avec les conséquences, mais en contradiction systématique avec les conditions préalables du régime politique allemand, d’une sphère enfin qui ne puisse s’émanciper sans s’émanciper de toutes les autres sphères de la société sans émanciper de ce fait toutes les autres sphères de la société, qui soit, en un mot, la perte totale de l’humanité et ne puisse donc se reconquérir elle-même sans une reconquête totale de l’humanité. Cette dissolution de la société réalisée dans une classe particulière, c’est le prolétariat.

Karl Marx, Critique de la philosophie du droit de Hegel

Jeudi soir, après que des queers radicaux aient tenu un discours incitant à l’émeute, un black bloc a émergé pour la quatrième série de combats de rue de la journée. Ce bloc particulièrement vicieux (plus tard appelé le Bash Back ! black bloc) s’est déplacé à travers Oakland, brisant d’innombrables fenêtres, renversant des poubelles et y mettant le feu.

Un ami fit cette remarque : Qu’est-ce qui est si queer là-dedans ? Les gens étaient juste habilléEs en noir et brûlaient des trucs dans la rue.

Ce à quoi nous répondons : porter du noir et tout détruire pourrait bien être le plus queer de tous les gestes.

En fait, cela touche le cœur du sujet : être queer, c’est nier. C’est dans cette foule en devenir que nous avons expérimenté cette intersection de nos corps déviants, problématisant nos propres limites corporelles. Baguettes de fées, tiares, diadèmes et masques furent annexéEs à nos membres telles de dangereuses prothèses. Cailloux, poubelles et robes noires à paillettes furent profanéEs et misES en service – jetéEs par les fenêtres, incendiéEs, et drapéEs autour de nos épaules comme les plus fabuleux atours d’émeute. Nos limites personnelles se sont plus tard dissoutes au milieu d’un flot de verre brisé et d’ordures fumantes parsemant le terrain de jeu.

Sans hésiter, les queers se débarrassèrent des contraintes identitaires en devenant autonomes, mobiles et multiples, avec plus ou moins de différences. Nous interchangeâmes nos désirs, gratifications, extases et tendres émotions sans nous référer aux tableaux de la plus-value ou des structures de pouvoir. Des bras musclés ont construit des barricades et détruit des trucs au son d’hymnes imaginaires de riot grrl (où était-ce La Roux) ?

Si l’hypothèse du genre comme toujours performatif est juste, alors nous avons performé nos « moi » en résonance avec le genre le plus queer de tous : celui de la destruction totale. Désormais, nos pronoms de genre préférés seront le son du verre qui se brise, le poids du marteau dans nos mains et l’odeur douceâtre du feu. Adressez-vous à nous en conséquence.

La marche continua son saccage le long de Forbes, rencontrant sur son chemin un petit malin en mal de victimes nous traitant de pédés. Avant qu’il ne réalise son erreur, nous exerçâmes un sadisme particulièrement cruel sur ce débile. Nous lui montrâmes son erreur à travers une pluie de coups de pieds et de poings, et une dose copieuse de gaz lacrymogène. Avant même qu’il ne touche le sol, la logique immunitaire du bio-pouvoir fut renversée. Son pouvoir de façonner nos corps et de les exposer à la mort s’était effondré sur lui-même. Oui, nos corps ont été façonnés, mais en vaisseaux monstrueux de potentiel et de révolte. Il est quant à lui devenu notre objet et a été exposé à notre violence.

Une fusion de notre délinquance brute et de nos désirs pervers a, sans en être désolée, saturé les rues (et les salles de bains, hôtels et ruelles) de Pittsburgh cette dernière semaine. Avec une irresponsabilité grivoise, nous avons détruit, baisé, combattu et joui partout sur le terrain symbolique de la politique, uniquement synchroniséEs par notre soif de désordre. Utilisant nos corps vibrants contre la retenue elle-même, nous n’avions aucun message- choisissant à la place de laisser derrière nous les ruines de nos limites et un chemin tangible de démolition. Notre déchaînement d’aspirations violentes envers les beaufs étudiants [1] homophobes et les addictions quotidiennes morbides a débordé partout alors qu’on continuait à s’exciter les unEs les autres. On a mouillé et joui bien fort sur des tas d’argent sale, corrompant chaque centimètre de stérilité avec la puanteur de nos corps transpirants – endoloris de satisfaction impure. Nos corps intrigants et à la recherche de plaisir sont entrés en conflit avec des réalités inférieures et en sont sortis victorieux. Nous avons laissé les tâches les plus queer qui soient sur tous les morceaux brisés du capital, honorés par notre présence.

Deux questions ont été posées cet été. A Chicago : « faire des barricades ou ne pas faire de barricades ? », et à New-York : « est-ce qu’elle en a quelque chose à foutre de l’insurrection ? » ; jeudi a définitivement répondu à l’affirmative à ces deux questions. A la question des barricades nous répondons que nous ne nous préoccupons seulement que des façons dont nous pouvons les rendre plus grandes, plus fortes, plus terribles. A l’autre, nous proposons une forme de vie qui pourrait être interprétée comme l’union des barricades et des jambes non rasées ; et même plus : une synthèses de bites-en-harnais, de marteaux, de perruques bizarres, de briques, de feu, de gaz lacrymo, de léchage, de fisting et toujours d’ultra-violence.


Notes

[1] Frat boys : étudiants membres des « fraternités » dans les campus états-uniens.