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Lien original : Intimités Criminelles

Traduction de In-depth interviews with 3 members of FAUDA, the anarchist movement in Palestine. initialement publié sur Instagram par @abolishtheusa.

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Membre n°1 – entretien approfondi avec Fauda

[Note: Membre n°1 a aussi été interviewé par Black Rose Anarchist Federation, qui aborde des sujets non couverts ici. Traduite sous « Entretien avec des anarchistes de Palestine ».]

Tout le monde souffre. Le plus gros du désastre est à Gaza, mais les personnes en Cisjordanie et dans la partie intérieure occupée souffrent aussi de la privation de leurs libertés individuelles et collectives. Les arrestations et la torture en prison ont grandement augmenté ces dernières semaines. Il y en a déjà habituellement beaucoup, mais, ces dernières semaines, elles ont grandement augmenté par peur d’un déclenchement d’affrontements et de confrontations en Cisjordanie et à l’intérieur d’Israël. La nuit dernière, ils ont bombardé l’hôpital Alma’madani à Gaza et ont tué plus de 1500 personnes, dont un grand nombre d’enfants. Vous entendez ??? Des enfants…

Près de 1 000 femmes et enfants innocent·es ont été tué·es dans ce massacre… Le monde doit voir et connaître la vérité à propos des terroristes israéliens… Imaginez seulement que votre enfant se réfugie dans un hôpital en espérant recevoir une protection, s’y asseoir, et s’y sentir en sécurité. Puis, vous allez à l’hôpital pour voir votre enfant, et, surprise, votre enfant a été réduit à l’état de morceaux démembrés.

C’est ce que l’occupation israélienne a fait à Gaza. Elle a tué plus de 600 palestinien·nes, tous·tes des enfants et des femmes, et les a réduit à l’état de morceaux démembrés après que des avions de guerre israéliens ait tiré un missile contre l’hôpital baptiste connu comme le « Ahly Arab » à Gaza.

Parlez autour de vous de ce qui se passe ici. Apprenez-leur la vérité, pas les mensonges de l’occupation.

Nous avons officiellement établi notre mouvement en Palestine il y a 4 ans. Nous connaissions peu de choses à propos des anarchistes et des mouvements anarchistes. Grâce aux études universitaires de certain·es membres de notre mouvement aux États-Unis et en Grande-Bretagne, nous en avons appris davantage sur l’anarchisme, nous avons pu observer leurs activités de près, et c’est pourquoi nous avons décidé de suivre cette approche en Palestine occupée.

L’une des principales raisons qui nous a mené à suivre cette approche est, en premier lieu, la liberté de penser des anarchistes et leur acceptation des idées différentes et des libertés individuelles des autres. En second lieu, les méthodes utilisées pour exprimer leur opposition à l’État et à l’autorité. Quand les jeunes palestinien·nes veulent manifester, iels utilisent malheureusement seulement de vieilles méthodes. Mais, quand nous avons découvert l’anarchisme, notamment en Europe et en Amérique, nous avons découvert qu’il existait diverses autres méthodes d’affronter l’occupation.

Par exemple, dans le passé et toujours aujourd’hui dans une certaine mesure, une partie de la jeunesse palestinienne ne considère toujours que la résistance armée pour lutter contre l’occupation. Comme le niveau de sécurité israélien est très élevé ici, ces actions armées sont connues ici en Palestine comme des « opérations de loup solitaire », qui mènent souvent au meurtre de nombreux·ses jeunes palestinien·nes sans avoir un impact conséquent sur le régime d’apartheid et ses forces de sécurité. Faites attention : la vie d’un jeune homme palestinien est confronté à un simple événement imperceptible.

Alors, nous avons décidé d’adopter d’autres politiques dans la lutte contre l’occupation, et nous les avons trouvées en l’anarchisme. Pour des raisons de sécurité, nous ne pouvons pas révéler ici nos plans et certains des faits qui ont lieu dans la rue. Nous sommes présent·es à travers toute la Palestine occupée, mais principalement concentré·es en Cisjordanie.

Notre projet s’articule autour de plusieurs axes. Le premier axe consiste à informer et former la jeunesse palestinienne sur de nouvelles méthodes pour confronter l’occupation (groupe d’éducation).

Le second axe consiste à mettre en œuvre ces méthodes dans la rue, de diverses manières (groupe exécutif).

Le troisième axe consister à publier tout ce qui est lié aux arrestations, meurtres, crimes contre l’humanité, et la privation des libertés individuelles et collectives que l’occupation pratique contre le peuple palestinien ; de garder ce sujet frais dans les esprits de tous les segments de la société, et particulièrement les anarchistes (groupe d’information).

Le quatrième axe consiste à disséminer des informations importantes sur l’histoire de la Palestine, l’histoire du conflit palestinien et israélien, et les nouveaux obstacles intellectuels que les nouvelles générations rencontrent, car nous subissons une guerre médiatique féroce qui déforme les faits et les tournent en faveur d’Israël. Comme vous le savez, Israël a des chaînes qui diffusent des informations en arabe en continu afin de déformer des faits historiques et de propager son récit mensonger du passé et de ce qui se passe actuellement (groupe médiatique). Malheureusement, pour des raisons de sécurité, je ne peux pas partager des images, mais vous pourrez en trouver sur nos canaux Telegram @fauda_ps et @fauda_education.

Nous voulons seulement la paix

Nous voulons obtenir notre liberté

Et que l’on nous rende nos terres

Il y a de nombreux besoins que nous devons satisfaire afin d’aider les autres et aussi de participer à des manifestations dans les rues, tels qu’obtenir :

  1. Des casques, lunettes, masques à gaz et gants pour être en sécurité pendant les manifestations.

  2. Du matériel médical de base, comme des pansements, des antidouleurs, etc.

  3. Des banderoles, affiches et enceintes.

  4. Des smartphones et talkies-walkies.

  5. Des bouteilles d’eau, des snacks et de la nourriture à garder pour les longues manifestations.

  6. Des drapeaux et des habits qui représentent le mouvement anarchiste (particulièrement pour des black bloc en manifestation).

  7. [Censuré]

  8. Des carnets, stylos et caméras pour documenter les événements.

  9. Des identités et documents pertinents pour les urgences ou les imprévus.

  10. De l’argent pour l’hôpital et les autres dépenses, que ce soit pour les anarchistes ou pour aider des personnes dans le besoin ou des palestinien·nes pauvres.

  11. [Censuré]

  12. [Censuré], et aussi acheter des outils pour l’auto-défense pendant les manifestations, tels que [Censuré], un câble d’ordinateur, [Censuré], des planches de bois, des outils pour bloquer les rues, et [Censuré] pour bloquer la vision de la police et des forces de sécurité.

Cette section concerne tous les besoins pour lesquels nous débourserons l’aide monétaire. Nous soutiendrons tout ce que vous voudrez faire de l’argent que vous avez collecté, peu importe à quelle organisation caritative vous l’envoyez. Mais, en règle générale, cette aide n’atteint jamais les palestinien·nes. En particulier, si vous voulez l’envoyer à travers des organisations internationales… dans plus de 90 % des cas, l’occupation va empêcher cette aide d’atteindre les palestinien·nes.

Membre n°2 – George Floyd, Anarchisme international et l’unification du mouvement

En 2020, quand nous avons vu les manifestations antiracistes pour George Floyd et les actions des anarchistes américain·es, nous avons décidé de créer ce mouvement en Palestine. D’une part, nous ne voulions pas être comme les groupes militaires du Hamas et, d’autre part, nous ne voulions pas rester neutre et oublier la lutte de la Palestine. Israël est vraiment un régime d’apartheid ici. Les sionistes sont racistes. Nous ne critiquons pas les juif·ves. Beaucoup de juif·ves nous ont aidé et continuent à nous aider, mais les sionistes veulent que les arabes quittent la Palestine. Ils occupent nos maisons et soutiennent les attaques de l’armée contre des enfants et femmes sans défense. C’est pour cela qu’il était nécessaire de former un groupe fièrement palestinien de jeunes gens voulant résister à Israël. Nous avons des ami·es dans quasiment tous les recoins de la Palestine qui soutiennent ce mouvement en tant que membres principaux. Nous sommes présent·es en Cisjordanie et à Gaza, ainsi que dans les territoires occupés depuis 48.

Notre collectif est un collectif anarchiste. On ne peut bien évidemment pas désigner de chef·fe pour un groupe anarchiste, puisque nous agissons comme d’autres mouvements horizontaux dans d’autres parties du monde. Au Moyen-Orient, beaucoup de chefs et d’élus politiques qui ont été à la tête d’un parti ou d’un groupe ont dévoyé le mouvement de ses idéaux et croyances de base pour leur propre intérêt et celui de leur parti. En Palestine, beaucoup de fonctionnaires et de responsables du gouvernement dirigé par Mahmoud Abbas sont des personnes corrompues, qui ont un accord sécuritaire et économique avec Israël. Les représentant·es arabes qui sont au parlement israélien sont aussi des personnes corrompues qui ont accepté la souveraineté d’Israël.

Le mouvement FAUDA dispose d’un « groupe de pilotage » – composé de plusieurs membres, présent·es dans le mouvement depuis longtemps et de façon active, qui assurent la coordination du groupe. Ce groupe est responsable de diriger et donner des consignes pour les campagnes, manifestations et opérations. Sous ce groupe de pilotage, il y a quatre départements. Chacun de ses quatre départements a un responsable et des dizaines de jeunes palestinien·nes qui composent ces départements. Ces sections sont présentes dans la plupart des recoins de la Palestine, particulièrement en Cisjordanie. Beaucoup de personnes nous rejoignent aussi lorsque l’on organise des rassemblements ou des manifestations.

Il vous faut savoir que plus de 7 000 palestinien·nes innocent·es sont dans les prisons du régime d’apartheid israélien. Certain·es d’entre elleux sont des femmes et même des adolescent·es. Certain·es ont été emprisonné·es à un jeune âge et sont en prison depuis plus de 15 ans maintenant.

Israël ne leur donne même pas le droit à un procès, iels sont en prison sans qu’une quelconque accusation leur soit faite. Nous appelons cela « phénomène » (اعتقال الإداري). Vous pouvez rechercher cette phrase en arabe sur Internet pour voir et lire sur les injustices et cette approche cruelle contre les prisonnier·es.

Le mouvement FAUDA a mené diverses activités pour ces prisonnier·es et les soutenir. Dans plusieurs villes, nous avons organisé des rassemblements devant des tribunaux ou les commissariats de la police israélienne. Nous avons organisé une campagne sur les réseaux sociaux. Nous sommes allé·es à la rencontre de familles dont des membres sont prisonnier·es, et elles nous ont parlé de la torture que les forces israéliennes infligent aux prisonnier·es. Malheureusement, les systèmes sécuritaires d’Israël interprètent tout ce que nous faisons, même notre travail humanitaire, comme des menaces sécuritaires. C’est pourquoi nous ne publions aucune photo ou vidéo de beaucoup de nos actions, comme lorsque nous nous rendons chez des prisonnier·es.

Nous rejetons les grandes organisations internationales, parce que, en fin de compte, elles sont toujours soit du côté d’Israël, soit passives. Les organisations internationales ne font rien quand des jeunes palestinien·nes sont assassiné·es par des colons sionistes ou les forces de sécurité israéliennes, ou quand les avions de guerre d’Israël bombardent Gaza et tuent des personnes et civils sans défense. Quel est l’intérêt de simples mots pour condamner ? L’État d’Israël provoque n’importe quelle catastrophe qu’il désire sur le peuple palestinien·ne sans défense, et les organisations ne font qu’exprimer leur regret !

Mais nous annonçons à tous les groupes anarchistes et humanitaires du monde que nous sommes prêt·es à coopérer avec elleux pour être la voix des prisonnier·es palestinien·nes opprimé·es. Nous devons aider leurs familles. Quand l’État fasciste d’Israël emprisonne le père d’une famille palestinienne avec des accusations forgées de toutes pièces, alors la famille n’a plus aucun revenu et devient pauvre. Le père reste en prison pour de nombreuses années et, pendant ce temps, il n’y a personne pour aider sa famille. Nous demandons aux groupes pour la liberté venant du monde entier de s’intéresser à ce sujet et de nous aider là-dessus.

A notre avis, tout·e palestinien·ne peut rejoindre le chemin de la résistance en déclarant son dégoût pour le système d’apartheid d’Israël. Que veut-dire la résistance ? Cela veut dire de se tenir en face de l’ennemi avec toute sa force, son initiative et sa créativité, et ne pas abandonner ses droits. C’est la philosophie de la résistance que nous suivons dans le mouvement FAUDA. Nous avons déclaré à de nombreuses reprises qu’un·e étudiant·e, un·e poète, un·e professeur·e, un·e peintre, un·e musicien·ne, compositeur·ice et chanteur·euse, un·e activiste médiatique, un·e vendeur·euse, un·e combattant·e armé·e, etc. peuvent tous·tes faire partie de la résistance populaire en déclarant leur dégoût et en menant des actions physiques appropriées. Cela compose la base du mouvement FAUDA.

La résistance doit être une résistance populaire. Nous ne devons pas attendre que des armées ou des organisations étrangères viennent pour nous défendre. Dans ce mouvement, nous avons entamé une voie dans laquelle tout le monde peut s’opposer aux politiques racistes d’Israël, voire mourir dans cette lute. Aujourd’hui, le mouvement entre dans une période importante.

Nous étions autrefois un petit mouvement. Par la grâce de Dieu, aujourd’hui, nous sommes présent·es partout en Palestine. Nous sommes présent·es et actif·ves dans de nombreuses sections culturelles, sociales et de l’actualité, pendant le mois du Ramadan, dans des sections de guérilla, dans des campagnes contre les forces de police occupantes israéliennes. C’est notre résistance nationale et populaire, et, la résistance populaire a historiquement démontré qu’elle triomphait toujours des régimes fascistes oppresseurs. La résistance à travers la Palestine et même sur le plateau syrien du Golan, là où Israël l’occupe, est une résistance uniforme qui n’a qu’un seul but : d’expulser les sionistes qui ont conquis nos terres et demeures. Nous ne devons pas considérer les situations à Gaza et en Cisjordanie séparément, mais bien ensemble. Naturellement, des différences dans les types de résistances et les modèles de lutte dans différentes régions demeurent.

En tant que premier et plus grand mouvement anarchiste en Palestine, le mouvement FAUDA tend la main à tous les groupes du monde entier défendant la liberté pour leur demander de l’aide. Ces groupes peuvent aider dans plusieurs domaines.

Premièrement, il y a la question de l’aide financière : nos forces ont besoin d’équipement pour attaquer la police israélienne oppressive qui attaque le peuple palestinien avec des armes de guerre et tue des centaines de nos ami·es chaque année. Il est parfois très coûteux d’obtenir cet équipement. Israël utilise un équipement ultra-avancé grâce à des aides étrangères, particulièrement américaines, mais nous nous opposons à eux avec un moindre équipement. Nous avons besoin d’aide financière pour prendre l’initiative et infliger plus de [Censuré]. Nos ami·es offrent aussi une aide financières pour aider les familles des victimes, les familles des prisonnier·es et les personnes qui nous aident dans la voie de la résistance, afin d’atteindre un niveau minimal d’aide sociale. Vous pouvez nous aider à aider ces personnes opprimé·es.

Secondement, il y a la question de l’aide médiatique. Nous sommes prêt·es à collaborer avec d’autres personnes qui voudraient nous aider à produire et publier du contenu. C’est particulièrement utile à Gaza. Quand vous lisez les médias, vous observez que les médias occidentaux affiliés au régime fasciste ne publient aucun contenu sur l’oppression de milliers d’enfants, de femmes, de petit·es filles et garçons, ou d’hommes et femmes âgé·es. Vous n’apprenez rien sur les nombreux incidents inhumains à Gaza, tels que la pénurie de médicaments, la pénurie de matériel sanitaire, la pénurie d’eau potable, etc. Les jeunes de FAUDA qui sont à Gaza peuvent documenter ces faits avec votre soutien, et les médias anarchistes les publieront afin que le monde soit au courant. Dans cette guerre dans laquelle nous sommes impliqué·es en ces temps, beaucoup de médias occidentaux ferment les yeux là-dessus. Nos ami·es hors de Palestine nous disent qu’ils font d’Israël la victime et nous considèrent nous palestinien·nes comme des terroristes.

Troisièmement, il y a la question de l’organisation de campagnes, dont nous ne pouvons pas parler à cause de protocoles de sécurité. Les libertaires du monde entier luttent contre des éléments affiliés au fascisme. Nous luttons aussi contre la police israélienne et nous avons besoin d’aide.

Quatrièmement, il y a le fait que notre mouvement est prêt à participer à des rencontres et entretiens pour présenter au monde ce mouvement formé en Palestine. Nous invitons toute la presse et les médias à présenter ce mouvement à celleux en quête de liberté dans le monde entier. Il serait approprié d’écrire, de publier, même de prévoir un film documentaire, à propos du premier mouvement anarchiste en Palestine.

Il y a environ 15 groupes de résistance antisioniste en Palestine, dont notre mouvement. Le Hamas et le Jihad Islamique sont deux de ces groupes. Tous les groupes de résistance sont unis ensemble et suivent le même but, il ne faut pas les diviser. Israël veut créer une division entre la gauche et les groupes comme le Hamas, afin d’utiliser cette division pour leur propre intérêt. Nous devons être vigilant·es et ne pas jouer sur le terrain de l’ennemi. Le Hamas, le Jihad Islamique, Kitab al-Aqsa et d’autres groupes de résistance armée en Palestine ont toujours été détruits dans les médias occidentaux pour leurs positions et actions antisionistes.

L’image du Hamas reflétée dans les médias n’est pas réelle. Quand ils sont entrés dans les colonies de la bande de Gaza, ils n’ont pas attaqué les personnes âgées et les enfants, ils n’ont décapité personne. Dans les premières heures de la guerre, Israël a annoncé que le Hamas allait décapiter et massacrer les personnes juives, puis les américains ont dit la même chose juste après. Un jour plus tard, ils ont retiré leur déclaration et ont annoncé qu’ils n’avaient aucune preuve de celle-ci !

Mais il y a des différences dans les méthodes de lutte. Le mouvement Fauda a invité tout le monde, qu’iels soient musulman·es, juif·ves ou chrétien·nes, à rejoindre la résistante populaire et nationale contre l’apartheid. Le Hamas, lui, est purement islamique et ne dispose pas de membres non-musulmans. Cela importe peu, il n’y a pas de place actuellement pour des conflits internes.

Des cadres du Hamas nous ont contacté dans les premiers mois où nous avons lancé notre mouvement. Nous avons eu un meeting, ils nous ont demandé des informations sur la nature et l’étendue de nos activités, nous avons discuté ensemble. Ils sont totalement d’accord que les chrétien·nes et juif·ves palestinien·nes doivent aussi être aidé·es dans le cadre de la résistance antisioniste.

Le but est donc le même, bien qu’il y ait des différences d’opinions dans certains domaines et méthodes, mais ici n’est pas l’endroit pour en discuter. De plus, le Hamas est actuellement impliqué dans une guerre et nous ne pouvons pas en dire plus sur le sujet.

Le nombre de groupes anarchistes actifs en pratique est peu élevé ici. Beaucoup d’entre eux ne sont plus actifs de nos jours. Il y a des groupes avec qui nous avons une relation et, dans certains cas, nous collaborons ensemble. En Israël – c’est-à-dire dans les territoires occupés depuis 48, il y a aussi des groupes anarchistes formés par des jeunes juif·ves antisionistes que nous soutenons. En Cisjordanie et dans la bande de Gaza, cependant, notre mouvement est le seul qui suit des principes anarchistes. Malheureusement, cette idéologie ne s’est pas encore propagée en Palestine comme c’est le cas en Europe et en Amérique.

Nous essayons d’obtenir l’aide de tout·e ami·e palestinien·ne – peu importe leur race, tribu ou religion – pour résister au régime fasciste. Beaucoup de jeunes juif·ves nous ont apporté leur aide ces dernières années. Il y a aussi beaucoup d’activistes musulman·es et chrétien·nes dans ce mouvement. Nous sommes tous·tes les leaders d’un mouvement national et populaire visant à atteindre le même objectif final.

Les soutiens de la Palestine peuvent nous aider de deux manières :

  1. Imprimer notre drapeau (le drapeau de Fauda), faire une vidéo avec le drapeau et des ami·es dans la rue. Nous partagerons ces vidéos pour que notre peuple puisse voir les soutiens du monde entier.

  2. Nous aider avec des dons financiers. Nous avons besoin de certains objets pour résister aux sionistes et nous avons besoin d’argent pour les acheter.

Membre n°3 – Une perspective anarcha-feministe

A cause de l’aggravation accélérée de la violence génocidaire d’Israël en Cisjordanie, dont la distribution d’armes à tous les colons israéliens, nous n’avons pas pu terminer cet entretien. Nous espérons pouvoir le compléter dans le futur.

Il faut que vous sachiez que je ne connais pas grand-chose aux études universitaires, je n’ai jamais fait d’interview avant. Je suis juste une femme palestinienne, engagée dans le mouvement anarchiste Fauda, soutenant mes camarades au sein de celui-ci. Je suis née dans une famille palestinienne musulmane. J’ai un frère qui a 3 ans de plus que moi et une sœur qui a 4 ans de moins que moi. Durant mon enfance, ma vie était normale et tout se passait bien. Mais, dès que j’ai passé l’âge adulte, les problèmes ont commencé avec mon père et mon frère. Ma personnalité était différente de la plupart des jeunes filles autour de moi : dès le début, je ne pouvais pas supporter de vivre dans une cage. Ici, si une femme arabe naît dans une famille traditionnelle, elle est généralement forcée de rester à la maison (sauf dans le cas de quelques exceptions et vœux) pour faire les tâches ménagères comme la cuisine, le ménage, la couture, et d’autres choses. Mais je n’aimais pas faire ces tâches.

C’est pourquoi, souvent, après être rentrée de l’école, j’allais voir une de mes amie, plus âgée que moi, qui étudiait à l’université. Elle faisait de merveilleuses peintures et c’est pour cela que, moi aussi, je me suis mise à aimer dessiner. C’était une très jolie fille, je l’aimais de tout mon cœur, et c’est pourquoi nous parlions de tout ensemble. A l’opposé, mes relations avec mon père et mon frère empiraient chaque jour. Je vivais entre deux mondes complètement séparés : un monde que j’aimais et adorais avec mon amie, et un second monde rempli de haine, d’ordres, et d’interdictions ne respectant aucune des limites ou des aspects privés de ma vie.

Imaginez un peu… j’entendais ces phrases plusieurs fois par jour : « Ne porte pas ces vêtements moulants. » ; « Pourquoi es-tu en retard ? » ; « Où étais-tu ? » ; « Ne sois pas amie avec untel et untel. » ; « Pourquoi es-tu autant maquillée ? » ; « Pourquoi prends-tu une voix plus douce quand tu parles ? »… et bien d’autres questions similaires qui traitaient de tous les aspects privés de ma vie. Je n’avais plus rien d’autre que je pouvais contrôler moi-même. Je n’avais plus rien, jusqu’à ce que je décide de ce que j’étais prête à endurer pour obtenir ce que je voulais dans la vie. Tous les aspects de ma vie étaient sous le contrôle de mon père, et parfois de mon frère. Ils décidaient de tout ce que je devais faire, de comment je devais le faire, de quand je devais le faire, d’où je devais le faire, et cetera, et cetera… La seule personne à qui je pouvais parler confortablement à la maison était ma mère. Elle m’aimait, mais elle n’avait pas le pouvoir de s’opposer à mon père, ou de faire quoi que ce soit pour moi. Elle aussi était une femme, et qu’est-ce qu’une femme pouvait bien avoir dans cette maison ? Rien du tout.

Je vais être brève : un jour, j’étais chez mon amie, et nous parlions de sa fac. Je ne sais pas comment, la conversation s’est déplacée sur le sujet de certains jeunes hommes de sa fac. Elle a dit qu’il y avait des jeunes gens qui parlaient de liberté et de libération, et que les droits humains étaient la chose la plus importante dans la vie. Elle mentionna qu’ils avaient adopté des idées que l’on appelait… l’anarchisme.

Ce fut ma première rencontre avec l’anarchisme. Après quelques semaines ou mois (je ne me rappelle plus exactement) j’ai demandé à mon amie de me présenter à ces jeunes, et c’est ainsi que j’ai rencontré Fauda. Je n’ai malheureusement pas poursuivi d’études universitaires à cause des circonstances difficiles dans lesquelles je vivais. Cependant, si le féminisme et l’anarchisme signifient que les femmes ont le droit de déterminer leur destin dans la vie et de choisir leur voie, alors je suis une féministe et une anarchiste. Je ne peux pas tolérer quoi que ce soit qui m’enferme dans une cage, décide pour moi de ma vie ou de ce que je peux faire.

[Déjà mortellement dangereuses, les conditions de vie en Cisjordanie le sont devenues encore plus ces deux dernières semaines, particulièrement pour les anarchistes et les organisations de jeunes. Nous avons réalisé la deuxième partie de cet entretien au meilleur de nos capacités.]

Les États-Unis et Israël mentent à tout le monde. Ils n’attaquent jamais le Hamas. Les forces armées du Hamas ont des tunnels souterrains et les utilisent de manière efficace pour éliminer l’armée israélienne. Par conséquent, Israël n’a pas encore réussi à éliminer le Hamas, et je crois qu’ils n’y arriveraient pas facilement. Par contre, ils bombardent des hôpitaux, des mosquées, des églises et des zones résidentielles habitées par des civils qui n’ont absolument rien à voir avec le Hamas. Ils tuent délibérément des femmes et des enfants. Ils empêchent la moindre aide humanitaire de rentrer sur la Bande de Gaza sous prétexte que cela va profiterait au Hamas, qui utiliserait ces ressources contre eux pendant la guerre. Tout ça, ce sont des inepties et des mensonges. En quoi serait-ce la faute des femmes et des enfants ? Doivent-iels mourir de faim et de soif dans des hôpitaux sans aide humanitaire ? Des enfants sont tué·es devant leur mère dans des hôpitaux en ruine. Pourquoi et pour quels pêchés ? Israël et les États-Unis ne combattent pas le Hamas. Ils combattent uniquement les enfants, les femmes et les civils. Israël n’est une société qui n’est bonne pour personne. Ce système est bâti sur les fondements de l’apartheid. Il sépare les gens, d’une manière ou d’une autre. En Israël, les juif·ves eux-même sont divisé·es. Les statistiques indiquent que les femmes dans l’armée israélienne sont constamment victimes de harcèlement sexuel et d’agressions de la part des hommes. Selon ces statistiques, il y a eu 1542 plaintes pour harcèlement sexuel au sein de l’armée israélienne rien qu’en 2020. Est-ce une société acceptable pour les femmes ? Qui les respectent ? Qui leur permet de profiter de leurs droits ? Israël est bâti sur les fondements d’une idéologie extrémiste, et cette dernière est la seule chose qui leur importe.

Hormis cette idéologie, tout le reste n’est que mensonges, pour maintenir cet apartheid en place. Toute cette propagande, tous ces mensonges, comme cette revendication qu’iels seraient « l’armée la plus morale au monde », véhiculée par les charmantes femmes de leur armée, ainsi que les influenceur·euses sur les réseaux sociaux… Tout ça, c’est juste de la propagande pour faire briller l’image d’Israël à l’international mais, de l’intérieur, Israël est plein de haine. De la haine entre les différentes pratiques du judaïsme, entre les juif·ves et les arabes, entre les partis politiques, et on pourrait continuer longtemps comme ça.

Je ne sais pas à quoi ressemblera la Palestine dans le futur. J’aimerais voir tout le monde vivre en paix dans mon pays. Femmes et hommes. Enfants et adultes. Jeunes hommes et jeunes femmes. Juif·ves, musulman·es, chrétien·nes et même les athées, les homosexuel·les, les converti·es, et tous·tes celleux qui auraient des idées qui les rendraient différent·es des autres. Nous en avons assez de cette situation.

Nous sommes fatigué·es des trop nombreux problèmes, de la guerre, de la peur et de ne pas pouvoir vivre en sécurité. Tout ce que je veux, c’est de pouvoir marcher dans la rue sans m’inquiéter. De pouvoir m’asseoir dans un café, marcher le long des côtes, ou aller à une fête avec mes ami·es et passer un bon moment ensemble. Je ne crois pas demander beaucoup. C’est ce que tout le reste du monde vit, et c’est notre droit d’en profiter également. Ce serait la moindre des choses sur notre propre territoire. Pourquoi devrions-nous être expulsé·es de chez nous ? Pourquoi devrait-on partir de nos terres ? Pourquoi l’occident a-t-il envoyé les juif·ves chez nous ? Pourquoi les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et l’Europe ne les ont pas accueilli·es chez elleux ? Nous vivions en paix. Nous vivions avec les juif·ves de notre territoire en paix. Nous n’avons pas de problèmes avec les juif·ves. Notre problème c’est que l’occident a envoyé des gens chez nous et leur a donné la gouvernance de notre pays. Est-ce que les États-Unis, par exemple, accepteraient que les arabes du monde entier s’y retrouvent et qu’iels prennent le pouvoir ? Est-ce que cela fait sens selon vous ? C’est aussi clair que le soleil en plein milieu de la journée. Je ne sais pas pourquoi tout le monde parle d’une chose aussi évidente comme si iels résolvaient des équations mathématiques complexes !

Je suis indéfiniment reconnaissante envers mes ami·es de Fauda. Iels m’ont beaucoup aidée. J’ai vécu une période très difficile. J’étais seule mais iels m’ont aidée à trouver un travail et m’ont soutenue pour que je me sente moins seule. J’ai beaucoup appris de leur part. J’ai appris le sens de la vie grâce à elleux. J’ai appris à être libre. Iels m’ont appris à vivre par mes propres moyens et à compter sur moi-même. Iels m’ont même donné de l’argent pour que je puisse trouver un travail. Iels sont vraiment génial·es. Je les aimes tous·tes jusqu’au dernier et la dernière. C’est merveilleux de vivre au sein de gens qui m’apprécient, respectent mes sentiments, me comprennent et essayent de m’aider. Ça me fait chaud au cœur. C’est quelque chose je n’ai jamais connu dans ma famille.

 

Questions par des anarchistes (et d’autres) du monde entier

Tout d’abord, regardant la question sur « la solution à deux États » : nous ne l’accepterons jamais. Imagine que quelqu’un s’introduise chez toi par effraction et te vole ta maison de force. Après avoir vu que tu résistes et ne veux pas quitter ta maison, il suggère de partager la maison entre vous deux. Est-ce que cela te semble logique  ? Si c’est le cas, alors les situations suivantes sembleront aussi logiques : quelqu’un vole ton portable dans la rue, se fait attraper, puis suggère soit de partager le téléphone, soit de le vendre et de partager l’argent. Ou quelqu’un vole ta voiture puis, lorsque tu refuses de la lui laisser, suggère soit de partager la voiture, soit de la vendre et de partager l’argent.

Il y a beaucoup d’autres exemples de situations que l’on peut comparer à la nôtre avec les sionistes, et aucun personne sensée ne les accepterait, alors pourquoi est-ce que l’on attend de nous que l’on accepte la « solution à deux États » ?

Nous rejetons catégoriquement la solution à deux États. Cela ne veut en revanche pas dire que nous n’acceptons pas la présence des juif·ves en Palestine. Avant que les sionistes n’occupent nos terres, nous y vivions tous·tes en paix et nous n’avions aucun problème, ni avec les musulman·es, ni avec les chrétien·nes, ni avec les juif·ves, ni avec aucune autre religion.

Nous cherchons à obtenir nos libertés individuelles et collectives. En fait, nous ne voulons pas qu’un pays nous gouverne, mais parler de cela impliquerait d’autres questions et compliquerait les choses. Les conditions en Palestine sont complètement différentes de la situation en Europe et en Amérique.

Nous rejetons actuellement l’Autorité Palestinienne dirigée par Mahmoud Abbas, et nous rejetons catégoriquement l’occupation sioniste, qui confisque toutes les libertés des palestinien·nes.

Honnêtement, la seule solution pratique que nous avons actuellement est la solution à un État. Cela ne signifie pas que nous n’offrirons pas d’autres solutions à l’avenir. Nous pourrions être confronté·es à des circonstances qui nous permettront d’introduire et de poursuivre d’autres alternatives. En tant qu’anarchistes en Palestine, nous concentrons l’essentiel de notre attention sur la nouvelle génération. Elle doit savoir comment a commencé notre conflit avec Israël. Les médias israéliens s’attellent actuellement à falsifier et inverser les faits historiques. La chaîne arabe « Makan », qui diffuse en continu en langue arabe, diffuse des films, des documentaires et des programmes télévisés qui ciblent la nouvelle génération et cherchent à modeler leurs idées, à les tromper, et à leur laver le cerveau.

L’une des actions et activités les plus dangereuses que pratique Israël, à travers son influence sur les traîtres de l’Autorité Palestinienne, consiste à changer les programmes scolaires des écoles arabes afin de les orienter en faveur de ses politiques. Pour le dire autrement, Israël ne peut même pas accepter les différences culturelles entre nous. Regardez ! Quand l’on observe ces pratiques du régime d’apartheid, comment peut-on croire qu’Israël cherche à établir deux « États » indépendants sur le territoire palestinien ? Comment voulez-vous nous faire croire qu’ils permettraient notre indépendance ? Ce ne sont que des mensonges. Israël nous ment depuis 75 ans sur énormément de sujets. Nous ne les laisserons pas nous tromper à nouveau. Nous devons d’abord déterminer quels sont les objectifs d’Israël (qu’ils soient politiques, culturels, intellectuels, ou d’autres objectifs encore) , puis organiser des activités compatibles avec la culture palestinienne locale pour opposer ces pratiques racistes d’Israël.

Le problème principal que nous avons en tant qu’anarchistes palestinien·nes est de garantir nos libertés individuelles et collectives. Souvent, même un État ouvrier – en tant que stage transitoire, entraîne des problèmes majeurs et peut mener à la tyrannie, l’injustice et l’abus de pouvoir, confisquant les libertés d’autrui. Le fait de se concentrer excessivement sur les lois et la gestion de la société par l’État mène à une accumulation excessive de pouvoir, comme on peut l’observer dans de nombreux mouvements marxistes, ce qui augmente la possibilité de la corruption et de la tyrannie. Nous croyons aussi en l’abolition totale des États. S’il n’y a pas d’échappatoire à l’existence de l’État, il devrait au moins être réduit avec des pouvoirs très limités, auquel tous les secteurs de la société pourraient participer.

Actuellement, l’enjeu principal en Palestine n’est cependant pas celui-ci. Nous vivons actuellement dans un climat de guerre. Nous voulons d’abord effacer de l’existence l’entité occupante. Les conditions actuelles ne nous permettent pas d’explorer ces questions. Nous faisons actuellement face à une crise. Nous devons faire des efforts considérables. Reconnaître et surtout accepter ces théories prendra du temps pour les gens.

Ici, en Palestine, la plupart des gens vit dans un milieu religieux (qu’il soit islamique, chrétien, juif, ou autre) et ont des cultures très différentes des cultures européennes, américaines, et d’autres cultures. C’est pourquoi notre peuple voit parfois les classes sociales et les différences entre ces classes comme naturelles et sensées. Bien sûr, il y a beaucoup de choses que la société palestinienne – et particulièrement les anciennes générations – n’accepteront jamais, car iels ont été élevé·es dans un environnement plus ou moins traditionnel et religieux.

Que faire alors ? D’abord, nous concentrer sur la nouvelle génération. Elle a davantage d’énergie, est plus active que les autres, et est aussi plus ouverte à accepter beaucoup des nouvelles idées que nous proposons, ou au moins à les entendre. Ensuite, puisque nous ne considérons pas que le moment est approprié pour parler des sujets controversés, nous mettons en avant sur la solidarité et la coopération pour atteindre nos objectifs communs. Il y a un grand nombre de nos frères et sœurs d’autres religions et orientations avec lesquel·les nous coopérons ; entre autre des juif·ves, des chrétien·nes, des musulman·nes, des personnes LGBTQ+, et d’autres.

Il nous faut un soutien médiatique important. Actuellement, les médias palestiniens sont coupés et censurés partout dans le monde, et particulièrement en Occident. Nous appelons tous·tes nos frères et sœurs et camarades dans le monde entier à suivre les actualités palestiniennes par des sources palestiniennes, à les traduire en anglais et d’autres langues européennes, asiatiques ou africaines, et à les publier dans leurs médias. Malheureusement, personne ne nous a répondu pour l’instant. Nous demandons à nos camarades anarchistes, et tous·tes les autres qui sont solidaires de la lutte palestiniennes, de ne pas se satisfaire des informations publiées par les médias d’état occidentaux usuels. Nous voyons bien qu’ils distordent et falsifient les faits, et ne couvrent pas assez ce qu’il se passe du côté palestinien.