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Lien original : infokiosques
En anglais : Untorelli Press

Sommaire :

Avant les textes (par Joiedevivre)
Intro (par Untorelli Press)

Théorie
Les anarcha-féministes prennent la rue
La sécurité est une illusion : réflexion sur la médiation
Notes sur l’autonomie des survivant.es et la violence
Dysphorie signifie destruction totale
Une pratique insurrectionnelle contre le genre

Pratique
Communiqué
On va vous en montrer des salopes hystériques I
On va vous en montrer des salopes hystériques II
Modeste proposition de quelques salopes hystériques
Un gang queer tabasse un nazi à la Gay Pride d’Albany le 16 juin 2009
Boîtes aux lettres du journal Bee sabotées (Modesto)
Le rejet de la victimisation, par le fracassage de la tête d’un nazi
Attaque d’une église catholique à Olympia le 14 janvier 2009
Mon pronom préféré est la négation (Pittsburgh, septembre 2009
Banderoles déployées et voitures de flics sabotées
Des bougies aux torches
Église homophobe attaquée en mémoire de Mark Aguhar et Paige Clay
Attaque d’un Starbucks et d’une patrouille de police
Attaque de banque aux molotovs par un escadron queer, en juin 2012

Ajouts
On répondra chaque fois qu’on nous attaque – Lille
Action contre le sexisme de Bagelstein – Toulouse
Nues, ivres ou isolées, nous ne sommes pas des proies – Toulouse
Petite visite chez les cathos intégristes – Besançon
Riposte féministe contre les violences sexistes
Plus de lecture (et extrait de Vers la plus queer des insurrections)


Avant les textes

Je voudrais simplement expliquer en quelques mots pourquoi je trouvais pertinent de traduire ces textes, et de les diffuser aux francophones. D’abord parce qu’y sont développées des théories pro-violence queer que je n’ai jamais vues ailleurs, et qui m’ont complètement fait écho. Qu’il existe beaucoup de textes sur comment gérer les conflits dans nos « milieux », comment prendre soin de soi et de nos proches, comment ne pas heurter les limites des autres, etc, mais assez peu qui critiquent les processus de médiation, qui revendiquent l’usage de la violence et de l’attaque, sur des cibles qui ne soient pas uniquement matérielles. Je ne vais pas m’étendre plus, puisque la grande majorité de ce que j’aurais à dire provient des textes qui suivent. Je pense juste qu’il ne faut pas fuir la violence, ou chercher à la faire disparaître mais bien se la (ré)approprier.
Ensuite parce que de façon très pragmatique, j’avais envie de créer des moments de discussions autour de ces textes, beaucoup d’entre eux m’ont donné envie de réagir, et que le moyen le plus simple de le rendre accessible, c’était de le traduire. De fait, je ne parle pas spécialement bien anglais. Du coup, probablement qu’il y a des erreurs, libre à vous de les corriger et de ré-éditer si ça vous fait plaisir. (Au passage, un gros câlin aux potes qui m’ont aidée, puis aussi à celleux qui ont proposé mais avec qui ça n’a pas pu se faire.) Certaines parties on été traduites et commentées à deux ou plus, d’où la présence de notes en « nous » plutôt que « je ».
J’ai rajouté quelques communiqués plus récents d’attaques qui ont eu lieu en France. Mais les recherches effectuées ont été plus que succinctes, et je me doute qu’il y en a bien d’autres qui mériteraient d’être publié. Aussi j’ai ajouté, dans la partie « Plus de lecture », un extrait du texte « Vers la plus queers des insurrections » qui présente quelques pistes de définition du terme « queer », par des personnes qui se reconnaissent dans ce terme.

Deux ou trois détails techniques sur la traduction en elle-même :

– Sur la féminisation : sans forcément connaître l’opinion des auteures sur le sujet, et sachant que l’anglais est une langue plus neutre que le français, j’ai préféré parfois peut-être m’écarter d’une traduction à la lettre pour trouver des formulations neutres, ou féminiser quand cela s’avérait impossible. Quand c’était possible, je me suis contentée de rajouter des « e » à des mots, dans l’idée que ça pouvait les rendre neutres. Dans le cas des contextes d’agression, j’ai essayé de respecter au maximum l’idée des textes, quand ostensiblement les agresseurs sont des hommes et les agressées des femmes. Dans la même idée, sur l’emploi régulier de « fuck » et de ses dérivés, ou de « pigs » pour parler des flics j’ai essayé de trouver des équivalents en français moins empreints de domination entre humain.es et/ou non humain.es et de la morale judéo-chrétienne qui caractérise notre langage.
Non pas tant que je cherche à faire du politiquement correct, ou que je pense que dégenrer le langage suffise à détruire les genres, voire à les attaquer. Mais il me semble important que chaque mot dont la nouvelle orthographe nous choque rappelle que la norme de ce monde, c’est le patriarcat. Et j’ai envie de de déceler toutes les petites choses qui paraissent anodines mais qui reflètent finalement à quel point la domination que nous prétendons combattre est présente partout, dans nos actes, nos pensées, et aussi notre langage.

– Sur la traduction de « identity politics » par « politiques identitaires »… Comme dit plus haut, je ne parle pas spécialement bien anglais, donc je ne sais pas si politique d’identité aurait été plus juste grammaticalement. Et évidement, parler en termes d’« identitaires » peut être fortement connoté, surtout par les temps qui courent – cf. les critiques des d’anti-racialisateures. Néanmoins, j’ai pensé judicieux de rappeler ce à quoi peuvent mener des politiques menées au nom d’une identité, qu’elle soit choisie ou subie. C’est pourquoi j’ai gardé ce terme. Mais je ne veux pas dire non plus que l’organisation en non-mixité mène forcément à des réflexes identitaires néfastes en dehors de ces moments d’organisation et/ou à des réflexes autoritaires.

Bonne lecture, et bonnes attaques !

Joiedevivre (a) riseup.net

Intro

Il y a une violence qui domine. Ce sont les agressions homophobes. C’est le viol. C’est les coups de scalpel et les labos de vivisection. C’est la banque et le café du coin. C’est la voiture de patrouille et la prison. C’est ton boulot, ton loyer en retard, ta dent qui pourrit, tes blessures qui ne se refermeront jamais. C’est le silence qui permet à tout cela de perdurer.

Il y a une violence qui libère. C’est le meurtre d’un homophobe, la jambisation d’un violeur. C’est les incendies criminels et la libération des visons. C’est la vitre brisée, et la nourriture expropriée. C’est le flic en feu, et l’émeute derrière le bar. C’est le refus du travail, les squats, l’amitié criminelle, c’est le refus total des compromis. C’est le chaos qui jamais ne peut être stoppé.

Le maintien de ce monde dépend de l’intériorisation des premiers, et de la suppression des seconds. Cette suppression s’effectue sous diverses formes explicites : arrestations, descentes, tribunaux, indics, mouchards, caméras de vidéo surveillance, baisses de salaire, licenciements, mises en examen pour complot, placement en isolement, expulsions. Mais la suppression de la violence révolutionnaire exige bien plus que prisons et police, elle requiert un voile idéologique masquant l’existence même de cette violence.

Combien de fois des martyr.es mort.es devront être brandi.es hors de leur tombe et agité.es sous nos yeux ? Combien de nouvelles belles paroles la gauche obscène pourra t-elle inventer pour essayer de nous convaincre que tel ou tel groupe est intrinsèquement pacifique, aimant, passif ? Combien de fois nos expériences et nos propres vies devront être utilisées pour faire taire des révoltes, justifier des actions de police, pour prouver que cette violence est « privilégiée » et « foutue » ?

Je ne suis jamais en paix.
Ce monde est violent envers moi, et je ne désire rien qui ne soit pas de la violence envers le monde.
Quiconque essaye de me tenir éloignée de mon désir pour le sang et les flammes brûlera avec le monde auquel ille s’accroche si désespérément.

Au fil de ces lignes, nous avons essayé de compiler une sélection d’articles sur la violence révolutionnaire contre le genre, et contre les personnes qui maintiennent son contrôle et sa mainmise dans nos vies quotidiennes. Quand nous avons commencé à mettre tout ça ensemble, nous nous sommes concentré.es uniquement sur les théories et communiqués sortis en 2010, prônant des pratiques insurrectionnelles contre les violeures et les agresseures et qui, reconnaissant l’échec des processus de médiation, offrirent l’attaque comme une option pour les survivant.es. Cet objectif est encore le notre, puisque beaucoup de textes ici sont à la fois des critiques théoriques de la médiation et de la « communauté », ainsi que des communiqués émis suite à des violences effectuées contre des violeures. Nous avons décidé d’inclure quelques textes préliminaires plus récents, sur les possibilités d’attaques queers contre le genre. Nous avons choisi des textes qui tentent de confronter la violence de genre d’une façon qui rejette l’idéologie de la victimisation (deuil passif, réaction défensive non violente aux attaques perpétuelles, pureté de la victimisation) tout autant que les solutions de l’état / la « communauté » (législation sur les crimes haineux, réforme politique, processus de médiation qui répliquent les procédures pénales et dialoguent sans fin au sujet de la justice).

Chaque semaine nous voyons plus d’attaques contre le capital, l’État, et/ou le patriarcat en solidarité avec les personnes assassinées ou emprisonnées pour hérésie ou rébellion contre le genre. Nous avons inclus quelques récits plus récents de ces attaques, et quelques attaques queers plus anciennes que nous avons trouvé particulièrement excitantes. Quand des groupes se forment et défoncent un violeure, quand des camarades décident d’attaquer suite à l’enfermement ou l’assassinat de queers, quand des potes partagent l’intimité passionnée de la lutte, des perspectives en dehors des politiques identitaires, du pacifisme, et des réformes sont élaborées et développées.

Nous espérons que cette publication puisse contribuer de quelconque façon à une révolte contre le genre, qui brûlera ce monde à la racine.

Jusqu’à ce que le dernier violeur soit pendu avec les couilles du dernier fratboy [1].

Untorelli Press [2]

Théorie

Les anarcha-féministes prennent la rue

Un mouvement enseigne moins par les mots que par le pouvoir qu’il exerce, lequel, se débarrassant des décombres de l’apparence, le retranscrit tel qu’il est.
Selma James, 1973.

Ce n’est qu’un début. Nous nous rassemblons aujourd’hui entre anarcha-féministes, excité.es par ce nouveau départ. L’anarcha-féminisme est à peine sorti au grand jour, à peine mis en pratique ou reconnu comme une politique à par entière, même par nous. Beaucoup d’entre nous n’ont jamais réalisé l’existence des autres, et par conséquent ignorent ce dont nous sommes capables. Nous trouvons approprié de nous retrouver dans la rue, lieu de création de liens sociaux forts, et où se déroulent des grands tournants de l’histoire. Pendant ce 1er mai, fais-toi des potes et des camarades, et attend-toi à ce que de grandes choses se produisent.

Il y a un nouvel anarchisme sur toutes nos lèvres. Mais il y a aussi toute une histoire de mouvements puissants et radicaux que nous pourrions trouver éclairante si nous sommes suffisamment averti.es pour ne pas tomber dans les pièges qui les menèrent à leur fin. Pour déterminer ce que nous souhaitons être, nous devons comprendre où nous avons commencé…

Les mouvements de la Nouvelle Gauche [3] nous ont fait avancer de plusieurs années-lumières en déclarant que la lutte peut être trouvée sur bien plus de fronts que la lutte des classes seule. Les mouvements de gauche dont nous sommes le plus fièr.es, – Black Power, libération queer et des femmes, etc – paraissaient clairement être les ébauches d’un futur qui semblait alors très prometteur. Partant du constat que ces mouvements se sont affaiblis ou effondrés, nous pouvons voir comment les aspects de ces luttes qui manquaient d’une critique du pouvoir autoritaire (et particulièrement de l’état) tombèrent dans les bras du libéralisme. Le libéralisme promeut et maintient l’illusion que le gouvernement, ou n’importe quelle forme de pouvoir supérieur est nécessaire et est responsable de notre bien-être, pour assurer que tout soit paisible et juste. Nous sommes maintenu.es dans un état d’enfance perpétuel où toutes nos actions quotidiennes et nos disputes sont soumises au jugement de la « main directive » de la figure du père autoritaire : de Dieu au gouvernement, gouverneur, maire, banquier, mari, jusqu’au papa bien aimé.

Ainsi donc, à gauche, les politiques identitaires entrèrent sur le devant de la scène. Les politiques post coloniales, féministes, et plus spécialement queers, qui jadis se battaient pour un pouvoir autonome distinct de la société normée, ne sont plus qu’un triste reflet d’elles-mêmes depuis qu’elles se sont transformées en un plaidoyer pour une reconnaissance au sein de la société. Ce qui au passage les a rendues dépendantes des structures responsables de leurs tourments.

Quelques unes de nos camarades ont suggéré.es de rejeter en bloc les identités politiques. Et ça nous a paru plutôt tentant… Nous sommes fatigué.es de cette tendance à la Tokenisation [4]. Dans chaque événement politique auquel nous assistons il y a quelqu’un.e pour « s’auto-tokenizer », « tokenizer » sa mère ou quelque groupe abstrait de personnes. Parfois cela arrive au nom même du « non à la Tokenization ». Nous voyons ça comme une tentative désespérante d’établir de la légitimité en tant que victimes (comme si c’était un truc chouette !).

Dans ce contexte, le boulot de l’activiste est devenu celui de faire diagnostic sur diagnostic, concernant qui est opprimé.e et qui ne l’est pas. Chaque personne porte en elle toutes sortes d’atrocités uniques qui ont été imposées à son corps et à son psychisme, ainsi que des horreurs qu’elle a fait aux autres. C’est malhonnête de faire la somme de toutes nos expériences vécues comme femmes, migrant.es, queers, où même une quelconque combinaison d’identités marginales reconnaissables.

Mais ça n’est même pas le plus gros problème. L’activisme obsédé par les politiques identitaires cherche à ce que nous nous sentions en sécurité dans des systèmes qui ne sont pas conçus pour être sécurisants ou libérateurs, et n’agit pas pour démanteler le système complètement. La Gauche a bâti une armée de Gandhi. Gandhi, sache-le, aimait et romantisait tellement les opprimé.es de son pays qu’il ne parvint pas à approuver un ordre social qui aurait pu mettre fin à l’oppression. Même si il était vu comme radical à ce moment, il a prouvé qu’il était au fond, un libéral. Mettre fin à une discrimination de castes est tout à fait différent d’abolir le système de castes lui-même. Nous devons décider s’il est plus dans nos intérêts d’exiger des droits égaux ou de se battre pour un futur (ou bien un présent) dans lequel exiger quoique ce soit à d’autres que nous-mêmes n’a pas de sens.

Il n’y a rien de puissant dans le fait d’être valorisé.es, reconnu.es et romantisé.es comme victimes. Qui en a quelque chose à faire si les hommes cis [5] savent qu’une grande partie d’entre nous est violé.es par eux ? Est-ce que ça stoppe le viol ? Qui en a quelque chose à faire si tout le monde se souvient d’utiliser le pronom que tu t’es choisi ? Est-ce que ça t’aide, quand tu es derrière les barreaux, et que les flics discutent au sujet de ton entrejambe, pour déterminer dans quelle prison t’envoyer ? Qui en a quelque chose à foutre si ton voisinage est tellement outré par les explosions de violence de ton petit ami que les flics sont appelé.es ? Toi sans doute, parce que tu es la personne qui se retrouve avec un flingue de flic braqué sur le visage, et que tu es aussi celle qui, plus tard, payera la caution de ton copain, quand bien même la fin du mois approche à grand pas. Ce qui établit nos horribles positions dans la société n’abolira jamais ces positions. Nous voulons en sortir. Nous ne voulons plus être des victimes, mais nous savons que nous ne pouvons pas compter sur l’état, les hommes cis, les personnes blanches ou hétéras, les flics – qui que ça soit pour toi – pour faire le boulot à notre place.

Ironiquement, et en dépit de nos critiques – voire parfois haine – pour les politiques identitaires, nous nous retrouvons de fait autour d’une identité (assez vague) : nous sommes des personnes qui ne voulons plus être victimes de la tyrannie des genres et de la misogynie. A l’intérieur de ce regroupement, nous espérons contourner, autant que faire se peut, nos genres, et ce que ça engendre sur nous de vivre dans ce monde d’hommes cis, et ainsi par là d’avoir un aperçu de ce à quoi cela ressemblerait de ne pas subir les influences des genres dans chacune de nos interactions. Nous nous retrouvons pour nous battre pour un monde où des identités telles que « homme », « femme » et « trans » sont des impossibilités logiques. Nous savons qu’ensemble, nous pouvons lutter contre nos doutes selon lesquels ces désirs sont irrationnels, et nous mettre au boulot.

Nous n’allons pas, en fait, rejeter les politiques d’identités en bloc. Ne serait-ce que parce que nous refusons de laisser les libéraux et les associations s’emparer de nos politiques radicales. Mais aussi parce que nous pensons qu’il est utile d’identifier et d’analyser nos misérables conditions pour avoir un point de départ, et savoir exactement ce que nous ne voulons pas être.

Nous ne voulons pas d’un féminisme qui ressemble à un.e travailleure social.e aux sourcils froncés derrière son bureau. Nous voulons un féminisme qui veille tard autour de la table de la cuisine, et qui nous persuade que nous méritons mieux. Nous ne voulons pas d’un féminisme qui nous placera un court temps dans un refuge géré par l’état, jusqu’à ce que nous soyons « à nouveau sur pied ». Nous voulons un féminisme qui rentrera par effraction dans nos maisons, desquelles nous avons été virées, pour dire au propriétaire que s’il essaye de nous expulser encore, une foule de salopes en colère lui fera vivre un enfer. Et quand nos genres nous rendent cible de viol ou d’assassinat, nous ne voulons définitivement pas d’appels vides à la « justice », ou de calmes veillées aux chandelles. Nous voulons un féminisme qui agisse depuis un bien plus large panel d’attentes et d’émotions. Nous voulons qu’une expression visible d’exaspération, de colère, et de frustration rende évident le fait que nous en avons fini avec ces routines, celle de la violence faite aux femmes et aux queers, celle des hochements de têtes silencieux devant ces tragédies, celle des demandes de changements. Nous voulons un féminisme qui ne soit pas effrayé de tester de nouvelles choses, qui soit suffisamment dynamique pour savoir que parfois, la guérison prend la forme d’une vengeance, et les changements prennent la forme de l’annihilation de ce qui te détruit.

Ce 1er mai anarcha-féministe ressemble peut-être juste à une fête de rue émeutière, dont une partie serait étonnamment sans hommes cis, mais ce grondement que vous entendez est ce qui se trouve juste sous la surface. Les grandes ruptures et les nouveaux mondes s’offrent à nous, mais nous ne pouvons pas être des spectateures passif.ves en créant de nouveaux « nous-mêmes ». Tuez le libéral dans vos têtes. Il n’y a plus d’excuses pour ne pas échanger nos numéros, se dire bonjour dans la rue, et construire des relations où nous planifions, préparons et nous poussons les unes les autres hors de la victimisation en étant les camarades les plus fort.es possible dans nos luttes communes, et peut-être encore plus important, dans celles qui ne le sont pas.

Nous y sommes ensemble.

[Note de la traduction : je trouve dommage qu’après avoir développé une critique poussée des politiques identitaires, et formulé des mises en garde sur ce que peut engendrer l’intersectionnalité, cet appel termine par un sous-entendu promouvant une organisation basée purement sur les identités, et non pas sur les choix individuels. Sous-entendant que le féminisme permet de réunir des personnes qui autrement ne le seraient pas, puisque pas investies dans les même luttes. Des personnes donc, si je comprends bien, qui se retrouvent uniquement sur la base de leur genre, que « l’on reconnaîtrait dans la rue », et qui, du fait de subir une oppression commune, deviendraient toutes complices. Je ne pense pas que ça soit possible, ni souhaitable, dans la mesure ou nous avons toutes des envies et façons de mettre nos pensées en actes qui sont différentes, voire contradictoires. J’ai l’impression que cet appel oscille entre deux positions (celle identitaire et celle individualiste) sans vraiment pouvoir trancher. Je pense qu’un aller-retour entre les deux est possible, mais qu’il faut pouvoir l’articuler de manière subtile, et que ce qui nous construit en tant qu’individu, et qui n’est pas que la somme d’identités « sociales » mais aussi nos actes et nos choix, devrait primer sur le sentiment d’appartenance à un groupe qui subit des oppressions communes.]

La sécurité est une illusion. Réflexion sur la médiation

Un.e proche ami.e m’a demandé d’écrire ce texte, sur la médiation au sein de la communauté radicale – offrir quelques aperçus des années que j’ai passées à lutter contre la culture du viol. Sauf que je ne crois plus au processus de médiation. Il faut dire que ma colère et mon pessimisme au sujet du modèle actuel sont proportionnels à la façon dont je me suis investi.e par le passé. La médiation à pour moi le goût amer qu’on parfois les amours mal terminé, et je n’en ai aucun. Ces dix dernières années, j’ai vraiment essayé de faire en sorte que les relations fonctionnent, mais tu sais quoi ?

Il n’y a pas de processus de médiation au sein de la communauté radicale, parce qu’il n’y a pas de communauté. Pas quand on en arrive aux histoires d’agressions sexuelles et d’abus. Un jour renseigne toi, et tu verras que nous ne sommes pas d’accord. Il n’y a pas de consensus. La communauté, dans ce contexte, est un mythe, un terme fréquemment invoqué et très souvent mal employé.

Je n’ai plus envie de m’y investir.

Je pense qu’il est temps d’abandonner ces jeux linguistiques mensongés auxquels nous jouons, et de revenir à l’ancien modèle. Je regrette le temps où il était considéré comme raisonnable de simplement mettre une dérouillée à ces personnes, et de les foutre le prochain train qui part. Au moins, les choses étaient claires et honnêtes. J’ai passé beaucoup de temps avec les auteures et les survivant.es, à me noyer dans un déluge de mots qui n’amenèrent aucune guérison, et pas même à une foutue catharsis.

J’en ai marre que le langage de la médiation soit utilisé pour créer des catégories s’excluant l’une l’autre, l’une « a merdé » et l’autre « a été abusée ». Je trouve le langage de « survivant.e » et « auteur.e » offensant parce qu’il ne décortique pas justement toutes les façons par lesquelles un abus est une dynamique entre deux parties. (Même si c’est le langage que je vais utiliser puisque c’est l’habitude que nous avons).

Les anarchistes ne sont pas immunisé.es contre les dynamiques abusives : jusque là nous sommes d’accord. Mais j’ai fini par réaliser que nous ne pouvons pas nous assurer une sécurité réciproque. Enseigner des méthodes de consentement mutuel est un début, mais ça ne sera jamais suffisant : le genre social, la monogamie – les mensonges de l’exclusivité et l’utilisation du mot « amour » pour dire « possession » sont trop forts. Les gens recherchent ce niveau d’intensité quand l’histoire d’amour est nouvelle, mais ne savent plus comment faire quand l’affection tourne au vinaigre.

C’est le truc avec le patriarcat : c’est terriblement persuasif, et le truc avec le fait d’être anarchiste, ou d’essayer d’avoir une vie libre, fière et sans remords : personne ne vous protège de la violence. Il n’y a pas d’espace que nous puissions créer, dans un monde aussi endommagé que celui dans lequel nous vivons, qui soit exempte de violence. Le fait même que nous pensions cela possible parle plus de nos privilèges que quoi que ça soit d’autre. Notre seule autonomie réside dans la façon dont nous négocions et utilisons nous-mêmes le pouvoir et la violence.

J’insiste : il n’y a rien qui puisse être un espace sécure dans le patriarcat ou le capitalisme, au vu de toutes les dominations sexistes, hétéro normatives, racistes, classistes, dans lesquelles nous vivons. Au plus nous essayons et prétendons que la sécurité existe à l’échelle de la communauté, au plus nos ami.es et amant.es sont déçu.es et trahi.es quand illes subiront de la violence, et n’obtiendront pas de soutien. Jusqu’à maintenant, nous avons parlé des plombes, mais les résultats ne sont pas là. Il y a plein de problèmes avec le modèle actuel : les expériences définitivement différentes entre agressions sexuelles et abus relationnels sont lissées. Les processus de médiation encouragent la triangulation [6] au lieu de la communication directe, et parce que le conflit n’est pas poussé, la communication honnête est évitée. Mais la confrontation directe est bonne ! L’éviter ne permet pas de nouvelles façons de se comprendre, d’amener à une catharsis, ou à l’éventualité que les personnes puissent se pardonner ; ce qu’un tête à tête pourrait provoquer.

Nous avons mis en place un modèle dans lequel toutes les parties sont encouragées à simplement négocier comment elles n’auront jamais à se revoir, ou à partager des espaces. Des demandes/promesses impossibles sont faites et au nom de la confidentialité, des lignes sont tracées dans le vide, sur la base de généralités. Gère ta merde mais ne parle pas des particularités de ce qui a foiré, et ne vous parlez pas l’un à l’autre. Le modèle actuel crée en fait plus de silence : les informations au sujet de ce qui s’est passé ne sont proposées qu’à un petit groupe de personnes spécialisées, quand bien même on attend de tout le monde qu’ille prenne position. Il y a peu de transparence dans ces processus.

Dans une tentative compréhensible de ne pas choquer ou causer plus de douleur, nous parlons nous-même d’une façon de plus en plus concernée quand un moment ou une dynamique entre deux personnes se cristallise, et ne change ou ne progresse pas. Les « auteures » deviennent une somme de leurs pires moments. Les « survivan.tes » se construisent une identité autour des expériences violentes, qui souvent les maintient coincé.es dans l’état émotionnel de ce moment. La communication soigneusement non-violente de la médiation n’amène pas à la guérison. J’ai vu ces processus diviser un grand nombre de lieux, mais je n’en ai jamais vu qui aurait aidé à obtenir du support, retrouver du pouvoir, ou se sentir sécure à nouveau.

Le viol te brise : la perte du contrôle de ton corps, la façon dont ces moments d’impuissance te revisitent, la façon dont il te vole toutes illusions de sécurité ou de sanité. Nous avons besoin de modèles qui aident les personnes à reprendre du pouvoir, et nous devons considérer la punition, le contrôle et le bannissement qu’amène modèle actuel pour ce que c’est : une revanche. La revanche est acceptable, mais ne prétendons pas que ça n’est pas une histoire de pouvoir ! Si nous agissont au travers de l’humiliation et de la riposte violente, alors soyons honnêtes à ce sujet. Choisissons ces outils si nous pouvons dire sincèrement que c’est ce que nous voulons. Au milieu de cette guerre, nous devons nous améliorer à être en conflit.

Abus et viols sont des conséquences inévitables de la société malade dans laquelle nous sommes forcé.es de vivre. Nous devons l’éviscérer et la détruire, mais en attendant nous ne pouvons pas nous en cacher, ou nous cacher de la façon dont elle affecte nos relations les plus personnelles. Je sais que dans ma propre vie, un processus important dans ma lutte pour la libération a été de faire la paix avec les pires conséquences engendrées par mon attaque personnelle envers le patriarcat. Gérer le fait d’avoir été violé.e a été une part importante pour la compréhension de ce que cela signifie de choisir d’être en guerre avec cette société.

Le viol a toujours été utilisé comme un outil de contrôle – brandi comme une menace de ce qui pourrait arriver si, avec mes attitudes queer et mon ambiguïté de genre, je continuais à vivre, travailler, m’habiller, voyager, aimer ou résister de la façon que j’avais choisie. Ces menaces ne tenaient pas debout pour moi, dans mon cœur je savais que ce n’était qu’une question de temps, peut importe le type de vie que j’aurais choisi, parce que mon genre socialement imposé me mettait dans un risque constant de viol. J’ai été violé.e au boulot, et ça m’a pris un moment pour vraiment appeler cette agression un viol. Après que ça soit arrivé, ce que j’ai ressenti principalement, – une fois la douleur, la rage et la colère apaisées – c’est du soulagement. Du soulagement que enfin, ça soit arrivé. J’avais attendu toute ma vie que ça arrive, vécu quelques moments s’en approchant, et finalement j’ai su ce que ça faisait, et que je pouvais m’en sortir.

J’avais besoin de ce mauvais tour. J’avais besoin d’une raison concrète pour ressentir ces sentiments qui me poursuivaient suite au viol, meurtre et mutilation d’un.e ami.e à moi quelques années plus tôt. J’avais besoin qu’on me fasse mal, et que je réalise que j’avais à la fois le désir de tuer, et le self contrôle suffisant à m’en empêcher. J’avais besoin de demander du support, et d’être déçu.e. Parce que là que ça part en latte : demande aux survivant.es que tu connais, la plupart n’ont pas le sentiment d’avoir été soutenu.es. Nous avons créé des attentes, mais l’expérience dans la vraie vie est toujours aussi merdique.

J’étais à l’étranger quand ça s’est passé. La seule personne à qui j’en ai parlé a appelé les flics, contre ma volonté. Illes ont cherché la scène de « crime » sans mon consentement, et ont pris des preuves ADN parce que je n’en avais pas. Réaliser que je m’étais permis.e, dans un moment de vulnérabilité, d’être mis.e sous pression, et forcé.e à participer à une enquête policière allant à l’encontre de mes volontés politiques m’a rendu encore plus mal que le viol lui-même. J’ai quitté la ville peu de temps après, donc je n’ai pas eu à subir à nouveau les pressions de mon « ami.e » pour que je coopère avec les flics plus que ce que je ne l’avais déjà fait. Le seul moment où j’ai ressenti une sorte de contrôle pendant cette période c’est en infligeant un châtiment à mon violeur, de mes propres mains.

J’ai réalisé que je pouvais aussi faire usage de menace, de colère, de violence diffuse, comme d’une arme. Après ma première expérience de « soutien », j’ai choisi de faire ça toute seule. Je n’ai trouvé personne à qui demander, mais c’était pas un problème parce que j’ai réalisé que je pouvais le faire moi-même. Dans la plupart des autres endroits je pense que j’aurais pu demander à un groupe de potes de m’aider. La culture de la non-violence n’a pas complètement imprégné tous les milieux dans lesquels je suis. Le manque d’affinité que j’ai ressenti était lié au fait d’être en déplacement dans cette ville, mais je ne pense pas que cette expérience, de se voir offrir de la médiation au lieu de la confrontation, soit particulièrement unique.

Dans le cas d’une agression sexuelle, je pense que la riposte violente est appropriée, et je ne pense pas qu’il y ait besoin d’un quelconque consensus sur le sujet. Promouvoir des modèles qui promettent de faire de la médiation au lieu de permettre la confrontation est isolant et aliénant. Je ne voulais pas de médiation, qu’elle soit légale ou d’un autre ordre. Je voulais me venger. Je voulais qu’il se sente aussi dépassé, effrayé et vulnérable que ce qu’il m’avait fait me sentir. Il n’y a aucune sécurité après une agression sexuelle, mais il peut y avoir des conséquences.

Nous ne pouvons pas fournir d’espaces sécures aux survivant.es : les espaces sécures, dans un sens général, en dehors du cercle de potes, de la famille parfois et d’occasionnelles affinités n’existent juste pas. Nos modèles de médiation actuels souffrent d’une overdose d’espoir. Détruisons les fausses promesses d’espaces sécures – nous ne mettrons jamais tout le monde d’accord à ce sujet. Affrontons la dureté de la guérison, et les désillusions qui suivent les attentes pour un changement radical de comportement dans le cas d’une agression sexuelle. Nous devons faire la différence entre agression physique et abus émotionnel : les réunir dans la rubrique générale de « violences interpersonnelles » n’aide pas.

Les modèles cycliques de l’abus ne disparaissent simplement pas. Cette merde est vraiment, vraiment profonde ; beaucoup de personnes agresseures ont elles-mêmes été agressées, et beaucoup de personnes agressées deviendront ensuite agresseures. Ces dernières années j’ai vu avec horreur comment le langage de la médiation est devenu une lutte facile pour une nouvelle génération de manipulateures émotionnel.les. Il a été utilisé pour perfectionner un nouveau genre de prédateures rebelles – celui engendré par le langage de la sensibilité, qui use de l’illusion de la médiation comme d’une monnaie du milieu.

Mais alors, d’où vient la vraie sécurité ? Comment pouvons nous la mesurer ? La sécurité vient de la confiance, et la confiance est personnelle. Elle ne peut pas être décrétée, ou tamponnée à l’échelle de la communauté. Mon amant.e bienveillante est peut-être ton agresseure secret.e, et l’ex avec qui j’avais une relation malsaine peut être ton.ta meilleur.e confident.e. La culture du viol ne se démonte pas facilement, mais elle est contextuelle.

Les gens en relation les unes avec les autres créent des relations saines ou malsaines. Il n’y a rien d’absolu dans des ressentis comme « abusé.e », « guéri.e » ou « sécure » – cela change avec le temps, les circonstances de la vie, et à chaque nouvelle histoire d’amour. C’est avec un sentiment de malaise que j’ai observé la pente glissante sur laquelle les abus « émotionnels » deviennent des raisons banales pour commencer un processus de médiation.

Là est le problème de l’utilisation de ce modèle pour des abus émotionnels : c’est une dynamique malsaine entre deux personnes. Alors qui provoque la médiation ? Qui obtient le maniement de ce pouvoir dans la communauté ? (Et soyons honnêtes, il y a du pouvoir en jeu dans le fait d’appeler quelqu’un.e dans une médiation.) Les personnes investies dans des relations malsaines ont besoin d’une issue, mais sans que ça devienne un jugement de la communauté contre qui que ça soit, qui n’a pas été assez chanceux.se pour ouvrir les yeux sur une mauvaise dynamique, ou pour appeler ça un abus en premier. Ces processus exacerbent fréquemment les jeux de pouvoirs malsain entre les parties blessées. Les autres sont encouragé.es à prendre position, et pourtant aucun conflit ouvert n’amène ces engluements à une quelconque forme de résolution.

User des modèles de médiation devellopés tout au long de ces dernières années pour lutter contre les violeures en séries dans la scène radicale n’a pas été d’une grande aide pour sortir les gens d’un marécage de relations destructrices et de dépendance. L’abus émotionnel est terriblement vague, et difficile à définir. Il signifie des choses différentes pour chaque personne.

Si une personne te blesse et que tu veux la blesser en retour alors fais-le, mais ne prétend pas qu’il s’agisse de guérison mutuelle. Considère les démonstrations de pouvoir pour ce qu’elles sont. C’est acceptable de vouloir reprendre du pouvoir, et c’est accepable de le prendre, mais ne fais jamais à quelqu’un.e d’autre ce que toi-même tu ne pourrais pas encaisser si les rôles étaient inversés.

Les personnes qui usent de la violence pour gagner du pouvoir doivent recevoir la leçon dans un langage qu’illes comprennent : celui de la violence physique. Celles embourbées dans des relations malsaines ont besoin d’aide pour examiner une dynamique bilatérale et pour en sortir, sans donner de blâme. Personne ne peut décider de qui mérite de la compassion et qui n’en mérite pas, à part les personnes concernées.

Il n’y a pas de moyens pour détruire la culture du viol au travers de la communication non-violente, parce ce qu’il n’y a pas de moyen de détruire la culture du viol sans détruire la société. En attendant, arrêtons d’attendre le meilleur ou le pire des gens.

J’en ai marre de la médiation et de son manque de transparence.
J’en ai marre du principe de triangulation.
J’en ai marre que les échanges de pouvoir soient cachés.
J’en ai marre de l’espoir.
J’ai été violé.e.
J’ai usé de manipulation dans certaines de mes relations.
J’ai eu des « moments » sexuels qui furent un apprentissage pour un meilleur consentement.
J’ai le potentiel en moi d’être à la fois survivante et auteure, abusé.e et abuseure.

Ces catégories essentialistes ne nous servent pas. Des personnes violent mais très peu sont des violeures dans tous leur échanges sexuels. Les gens abusent les unes des autres, cet abus est souvent réciproque, et cyclique. Ce caractère cyclique est persistent, mais pas impossible à corriger. Ces attitudes changent en fonction du contexte. Il n’y a donc rien qui ne soit un espace sécure.

Je nous veux honnêtes quant au fait d’être en guerre – avec nous-mêmes, nos amant.es et avec notre milieu « radical » – parce que plus largement nous sommes en guerre avec ce monde. Ces fragments de domination existent à l’intérieur de nous, et affectent ce que nous touchons, qui nous aimons, et celleux que nous blessons. Mais nous ne sommes pas uniquement la douleur que nous causons aux autres ou la violence qui nous est infligée.

Nous avons besoin de plus de communication directe. Et quand ça n’aide pas, nous avons besoin d’un engagement direct dans toute son horrible et désordonnée splendeur.

Aussi longtemps que nous nous rendrons vulnérables aux autres, nous ne serons jamais en sécurité dans le sens général du mot.

Il n’y a rien d’autre que l’affinité et la confiance marquée.
Il n’y a rien d’autre que la confiance brisée et la confrontation.
La guerre n’est pas prête de se terminer.

Améliorons nous dans l’art d’être en conflit.

Notes sur l’autonomie des survivant.es et la violence

Quelques notes sur le langage : beaucoup des termes utilisés ici sont vagues, subjectifs, lourds, ou sinon ambigus. Dans un but de clarté, quand des « processus de médiation » sont cités, ce sera spécifiquement en référence à des processus de médiation sur des agressions sexuelles, comme différents de tout autre processus de ce genre, puisque le modèle de base est applicable à un grand nombre de problèmes et de situations. En parlant « d’anarchistes » ou « d’hommes anarchistes » je définis plutôt vaguement les sujets comme membres d’un milieu anarchiste ou d’une structure sociale de / ou parmi plein d’anarchistes et de celleux qui s’identifient comme tel – ce n’est en aucun cas pour suggérer que l’anarchisme en lui-même est d’une quelconque façon le domaine exclusif ou la propriété de ce milieu, c’est simplement pour utiliser l’auto-identification comme point de référence.

De plus, les mentions de genre sont fondamentalement problématiques. En parlant « d’hommes » agressant ou violant « des femmes » l’objectif n’est pas de simplifier la problématique de la construction des genres, mais plutôt d’utiliser un raccourci en référence à des personnes sociabilisées « masculin » d’une part, et aux personnes sociabilisées « féminin » d’autre part. Évidemment, cependant, les auteures d’agressions sexuelles ne sont pas toujours des hommes (bien que, tristement, la plupart le soient) et, inversement, les survivant.es sont parfois des hommes. Ces dynamiques, quand elles sont interrogées, ne sont aucunement limitées aux interactions hommes/femmes, ou aux relations normées par le genre. Cependant, les actes de violence perpétués par les hommes sur les femmes possèdent de plein de façons leurs propres contextes social et historique. Ceci constitue la circonstance fondamentale du patriarcat. Dans ce contexte, quelques passages ici parlent plus généralement de nos attitudes envers n’importe quel auteure d’agression sexuelle, et d’autres plus précisement du phénomène mentionné.

Le comportement inhérent au patriarcat, vu en dehors de la normativité des genres, comme une relation sociale basique de domination, est un problème largement inexploré ici. Ceci étant dit, une analyse des agressions sexuelles et de l’oppression capitaliste genrée est pertinente pour tous et toutes dans ces communautés, tout le monde étant confronté.e à ces situations.

Ainsi, je demande pardon aux lecteures pour l’usage d’un vocabulaire communément admis comme étant réducteur et problématique.

Il y a un genre de discours bizarre qui entoure le problème de la médiation, dans les cercles anarchistes ou « radicaux » ; celui qui tient pour acquis le fait que les hommes anarchistes devraient recevoir un traitement distinct de celui des autres hommes. Quand dans les milieux anarchistes un homme agresse sexuellement une femme, la communauté autour s’engagera souvent dans un processus prévu pour que l’homme assume la responsable de ses actions, au nom d’une justice « restauratrice » ou d’une communauté plus « sécurisée » et avec la volonté d’empêcher l’individu de le faire à nouveau.

Mon mépris ne se porte sur aucun de ces objectifs mais plutôt sur l’idée qui semble régulièrement les accompagner, qui est que – contrairement aux hommes non anarchistes – les hommes anarchistes qui commettent des violences sexistes devraient d’abord être approchés du point de vue de la réparation à la communauté. Alors qu’avec d’autres hommes, la réaction version « tabassage en règle » de beaucoup de femmes (anarchistes / radicales, ou autres, mais concentrons-nous sur les premières) face à ces offenses, qui provoqueraient probablement quelque chose débouchant sur une hospitalisation du coté masculin, les hommes anarchistes ont le bénéfice du doute, ou la possibilité de « travailler sur leur merde ». Et ce, après qu’une agression ait eu lieu. Paradoxalement, et de façon plutôt inquiétante, le sujet est rarement abordé, son importance rarement soulignée, en amont d’une telle offense.

Bien que noble, c’est aussi paradoxal. Plus que toute autre chose, les hommes dans ces communautés ne devraient-ils pas avoir des exigeances plus élevés, étant donnée leur allégeance de fait ou implicite à certains idéaux et à leurs (malheureusement souvent fausses) supposées compréhension et critique du patriarcat capitaliste et de ses fonctions ?

Les hommes dans ces communautés ne devraient-ils pas être d’autant plus détestés de montrer en amont de la fausse camaraderie envers les survivant.es de leurs actions, et d’en attendre toujours par la suite ?

Si les réponses à ces questions sont oui, et oui, pourquoi sont-ils confrontés plus théoriquement, plus verbalement ? La réponse simple et légitime est souvent que cette réaction est celle qui correspond aux souhaits exprimés par la femme agressée. Mais ça n’est pas sans poser son propre problème : pourquoi lui laisserais-tu ses dents intactes alors que tous les autres se feraient casser la gueule ? Qu’est ce qui nous convainct que nous devrions opter pour cette option moins violente dans un cas mais pas dans l’autre ?

Tout ça pour dire : si sa compréhension [7] erronée de l’anarchie implique ou excuse des agressions sexuelles, pourquoi qui que ce soit lui devrait quoi que ce soit ? Et si nous ne pensons pas que les hommes anarchistes ont une meilleure compréhension de l’oppression genrée que les autres hommes – si tant est qu’il y ait une base adéquate pour faire ce genre de supposition – pourquoi bordel les acceptons-nous dans nos communautés en premier lieu ?

Pour le dire de façon banale, il faut faire un choix . Notre insistance continue sur la médiation néglige le fait qu’une politique commune devrait être porteuse de cette information, et de ses conséquences avant que l’agression ait eu lieu, et de là, l’étape deux devrait être la même qu’avec n’importe quel autre homme qui commet une agression sexuelle, où il doit faire face aux même conséquences déplaisantes.

La multitude de conversations au sujet de la nature et des caractéristiques des processus de médiation, ou même de leur efficacité, ne parlent quasiment jamais de la possibilité que ces processus précis soient déjà souvent des compromis. Prescrire d’emblée une réponse émotionnelle n’est jamais acceptable, et ça n’est pas l’objectif ici. Mais il n’en reste pas moins que la routine habituelle dans laquelle cette réponse verbale constitue l’étape deux s’auto – perpétue et renforce sa marginalité, en accordant des avantages judiciaires à ceux-là même qui ont déjà prouvé qu’ils ne ressentaient que du mépris pour ces avantages, tout en laissant les autres, qui peut-être n’ont que trop peu compris à quel point leurs actions sont merdiques, dans la situation d’urgence dans laquelle ils se trouvent visiblement.

La nécessaire mise en garde ici est que la majorité des processus de médiation anarchistes ne sont pas du tout délicats ou diplomatiques, et que l’intention n’est en aucun cas de suggérer qu’employer cette tactique implique une façon d’être « douce » au sujet des agressions sexuelles ou que ces points rendent en elle-même la pratique illégitime. Les femmes que je connais qui travaillent dans ces processus ont plus de nerfs qu’une grande majorité, et ressentent tout sauf de la pitié envers les auteures avec qui elles travaillent. Et qu’il y a sans aucun doute beaucoup de situation dans lesquelles le processus de médiation a un sens pragmatique, et en terme d’échelle de sévérité. Ce qui m’inquiète c’est ce qui semble être une tendance automatique vers une réponse plutôt que vers une autre. Ce qui m’inquiète, c’est la mentalité possiblement cultivée que ces hommes anarchistes, dont la présence au sein d’une communauté devrait idéalement être l’assurance même de leur capacité à se retenir de violer des femmes qu’ils prétendent respecter, devraient bénéficier d’une seconde chance spéciale, que leur participation même à la communauté devrait écarter.

Soyons-en sur.es, nous sommes tous et toutes coupables de perpétuer indirectement ou non-intentionnellement des systèmes d’oppressions au travers de subtils comportements sociabilisés, et dans ce cas, une réponse différente peut être justifiée. Peut-être que c’est la frontière entre des problèmes de langage et de comportements sociaux et les problèmes d’attaques physiques directes. Peut-être que c’est la frontière entre une incompréhension naïve et le refus d’en avoir quoi que soit à foutre. Mais un acte de violence qui dépasse les bornes ne mérite aucune compréhension.

Ne pas tenir compte du consentement, de façon intentionnelle ou même sournoise ne mérite aucune conversation.

Un exemple, nécessairement brut et réducteur mais pourtant possiblement utile (tout comme les différents systèmes d’oppression et les relations qu’ils ont entre eux ne sont, évidemment, ni simples ni identiques) les personnes blanches coupables de transgression raciste (des insinuations ou des attaques ; verbales ou physiques) font rarement l’objet de médiation. On ne leur donne pas le bénéfice d’un processus, lequel est bien trop souvent organisé par les même personnes contre qui la violence est dirigée, et dont le but serait de corriger leurs manières racistes. Personne, il semblerait, ne se donne la peine de leur garantir une opportunité complexe de repentir. Parce que le racisme est merdique, et que tout le monde devrait le savoir. Point.

Agressions sexuelles et viols ne sont pas des choses qui juste se passent. Ce ne sont pas simplement des transgressions individuelles. Ces actes sont politiques – perpétuation intentionnelle d’un système de domination, un système qui subordonne les femmes à tous les niveaux, un système qui est toujours violent, hostile et manipulateur, un système qui ne peut pas être abordé en « réparant » absraitement les auteures pour ensuite les ré-accueillir bras ouverts dans la communauté qu’ils ont attaquée. Ce n’est jamais juste une attaque, mais toujours un renforcement délibéré de l’oppression patriarcale. Ces systèmes ont besoin d’une autodéfense aussi matérielle que les manifestations qu’ils engendrent.

Tout comme la violence sexuelle n’est pas quelque chose qui simplement arrive sans implications, le patriarcat capitaliste n’est pas quelque chose qui simplement existe sans origine. Historiquement, comme partie intégrante du développement du capitalisme, le travail de la femme – celui de la reproduction physique – est distinctement corporel. Ce processus se déroule uniquement physiquement, pleinement à l’intérieur d’un corps. Le « travail des hommes », ou travail manuel, est physique dans sa réalisation, mais des actions manuelles délibérées impliquent aussi nécessairement un travail de l’esprit – ces actes ne sont pas réalisés de façon innée, naturellement, chaque étape requiert une brève évaluation mentale. Suivant ça, on peut facilement observer l’importance sociale plus grande donnée au corps de la femme qu’à celui de hommes, tout comme, dans le même temps, l’intellect de la femme est présumé inférieur à celui de l’homme.

Le viol réifie violemment cette corporalité comme étant une expérience féminine. Les femmes, ici, ne sont au départ pas seulement essentiellement des corps, mais sont ensuite poussées et confinées à l’intérieur de ces corps. On peut dire des processus de médiation, vus comme un effort mental, émotionnel ou intellectuel, qu’ils perpétuent cette division – l’expérience de la femme est une bataille avec des choses physiques, celle de l’homme reste verbale, psychologique. Derrière la dynamique même qui a apporté le développement de rôles sociaux capitalistes, il semble que réside notre propre compréhension de la justice.

Qu’en est-il de la revanche ? La critique humaniste postule qu’une telle motivation est malsaine, voire illégitime, et les concepts de justice restauratrice suivent cette idée. Peut – être même que la revanche est l’opposée de la médiation. Mais quand nous brisons des vitres, où promouvons la grève générale, cherchons-nous à faire de la médiation avec le capital, ou nous engageons-nous dans une revanche contre lui ? En réactions aux attaques constantes de la domination capitaliste, toutes les actions politiques ne sont-elles pas idéalement vengeresses ?

Il a été dit, sans tenir compte des circonstances, que la violence n’est tout simplement pas la bonne façon de gérer les conflits « au sein de la communauté ». Laissant de côté un instant la terrible nature d’une communauté qui s’accroche tant à l’image de sa cohésion qu’elle garantie la sécurité de ses violeures, nous devons aussi arriver à analyser le rôle de l’honnêteté dans nos réponses à ces situations. Est-ce plus honnête, plus direct, plus réel de promouvoir une réponse physique viscérale – même la vengeance – ou de s’engager dans un long « processus » pseudo judiciaire ? Dans quelques cas, la réponse peut bien être la seconde, mais la possibilité que la première soit authentique devrait être considérée dans tous les cas, et tout particulièrement par la personne survivante, dont les actions ne doivent pas être dictées par des attentes [d’autres, ndt] ou des faits passés. L’honnêteté est une dynamique cruciale à l’intérieur de toute communauté digne de ce nom, et tout comme l’utilisation d’une violence sans médiation contre les auteures est le résultat d’une communauté honnête, il est tout aussi important que la communauté soit elle-même le résultat d’actions comme celles-là.

Une critique habituelle de toutes sortes de processus de médiation est leur tendance à refléter une sorte de système judiciaire – une médiation structurée qui amène jugement ou punition, d’une sorte ou d’une autre. Bien qu’un résultat dicté par un.e survivant.e ne soit certainement pas proche d’un résultat dicté par l’état, le processus reste une médiation. A l’inverse, s’éloigner de ce système judiciaire, c’est rejeter l’idée que nos interactions doivent d’une certaine façon être guidées par des tierces parties, même si elles sont choisies par nous-mêmes. Pour ce faire, une attaque sur un violeure est directe et sans médiation, précisément celle qu’interdisent tous les systèmes judiciaires, et la frontière entre désirs et actions est effacée.

La plupart des processus de médiation forcent l’auteure violent à « travailler sur » son existence même comme homme, et sur ses performances masculines. Ils visent à le persuader d’ajuster son rôle en tant qu’homme. Mais le patriarcat ne peut exister que tant qu’il est mis en pratique – c’est à dire, aussi longtemps que le rôle de l’homme est rempli. Ce que nous voulons, tout simplement, – tout comme avec tous les rôles déterminés, imposés par, et au service du capital – c’est qu’il soit détruit.

Post-scriptum ultérieur à Notes sur l’autonomie des survivant.es et la violence :

Il a été souligné presque immédiatement suite à la publication que le second paragraphe de ce texte, qui est une tentative d’aborder le problème inhérent à la discussion sur les genres, est non intentionnellement, mais pourtant fortement dédaigneux sur l’expérience trans, en se référant à la « sociabilisation » sans clarifier l’auto identification comme étant un facteur séparé. Ceci était un oubli sérieux, pour lequel que je présente mes plus sincères excuses.

Pour ce que ça vaut – pas d’une quelconque justification – l’expérience trans a toujours été envisagée comme un aspect singulier et crucial de n’importe quelle considération sur la violence genrée ou sur les présupposés simplistes/stéréotypés à ce sujet. La majorité des auteures d’agressions sexuelles sont des personnes IDENTIFIEES HOMMES, des individus sociabilisés hommes, le dernier terme n’étant définitivement pas synonyme du premier (le terme « cisgenré », que je considère séparément, pourrait aussi être appliqué ici). Et ceci aurait dû être mis au clair, tout comme aurait dûes l’être les circonstances particulières qui accompagnent la violence sexuelle contre les personnes trans.
Pour autant, j’espère que les arguments basiques présentés au sujet de la médiation et de la réponse communautaire resteront pertinents.

Dysphorie signifie destruction totale

Ces trois dernières semaines, chaque personne inconnue que j’ai croisée m’a mégenrée [8], que je sois féminisée ou non. Dans les miroirs des portes de l’ascenseur à mon boulot, mon visage parait fatigué, anguleux dans tous les mauvais sens. Avec un certain malaise, je reconnais mon père dans mon reflet. Ma spiro et mes pilules d’œstrogène finissent aujourd’hui, et je pète les plombs. Elles vont probablement arriver lundi, mais elles peuvent avoir été perdues dans un colis non suivi. Bordel, qu’est ce que je vais faire si je dois dépenser un autre Benjamin [9], et attendre trois semaines de plus ? J’ai envie d’hurler. Je suis sur le point d’exploser. Je me retiens de me frapper, et du coup je commence à rêver éveillé.e dans ma cabine grise. Je vois un pirate de l’air tourner et se diriger tout droit vers mon bureau. Je le regarde de travers, en faisant des gestes ridicules des bras, en l’appelant comme le ferait un genre de contrôleur de l’air kamikaze. Il y a un flash bruyant, je disparais, et tout brûle.

Étant tellement subjective, la dysphorie est difficile à cerner. Une définition correcte serait quelque chose de ce style : « sensation de malaise intense en relation avec le/son genre », où le genre est compris comme incluant l’entièreté du sexe, du genre, et de l’anatomie (puisque aucun [des trois, ndt] n’existe en dehors du discours dans lequel ils sont produits et qu’ils sont tous intimement connectés). Il y a une tension, typiquement formulée comme une contradiction entre sexe et genre, où entre ce que qu’une personne est, désire, et ce qu’elle n’est pas. Mais, s’éloigner de la d’une analyse positive pourrait permettre de s’écarter d’un langage implicitement essentialiste tout en ouvrant de nouvelles lignes de pensée.

La désillusion et le désespoir sont inhérents à la dysphorie, brûlant les frontières entre le monde et l’impossibilité ancrée profondément en moi, rendant son omniprésence insupportablement visible. De nombreuses formes de désespoir portent en eux la graine d’illusion que quelque chose de possible (bien que peu probable) pourrait régler la situation pour laquelle une personne se morfond : le cancer pourrait partir, cette horrible rupture pourrait toujours se terminer et spontanément devenir un amour profond et durable, je pourrais gagner à la loterie et régler mes problèmes de dettes, Obama pourrait apporter un sens à ma vie. La dysphorie n’apporte rien de tel. Tant qu’il existe des désespoirs qui n’apportent pas ces possibilités, l’intensité, la durée et le champ d’application de la dysphorie de genre suggèrent que ce soit quelque chose qu’il vaille la peine d’analyser.

Ce conflit entre le réel et l’impossible ne vient pas de nulle part, mais existe précisément à cause du processus « nommer-construire-créer » qu’est ce monde. Le monde crée ses propres impossibilités, par sa production incessante de catégories, puisque rien ne rentre complètement dans sa définition propre. Tout n’est qu’un grattement permanent sur les murs, aveugle, sans aucun but. L’insoutenabilité qui entoure tout est aussi un grain de sable présent partout. La frontière s’avère être non pas une mais double, deux ombres qui se chevauchent. L’existant impossible et l’attrait pour le non-existant se rencontrent ici. Si ce grain de sable existe partout, la dysphorie est celui qui rentre en conflit avec le genre, et par extension avec le monde, et notre constitution comme sujets. Derrière le fait de ne pas rentrer dans les catégories auxquelles nous avons été assigné.es (Je ne suis pas-ceci), se trouve notre échec permanent à être (Je ne suis pas-cela). C’est là que la rhétorique du trans-féminisme libéral échoue. Je ne suis pas né.e en étant ça, et je ne le serai jamais. « Pas-ceci » impliquerait que la dysphorie est similaire au désespoir, partageant quelque chose de commun avec des choses pour lesquelles il serait possible d’espérer. Mais le « pas-cela », à la fois remplace et exclu cette possibilité.

Il est important de reconnaître que je ne parle pas ici d’individus, de croyances, de choix ou d’actions, mais d’un conflit qui prend place entre le grain de sable et le monde à l’intérieur des genres et qui se manifeste à travers les genres. Il n’y a pas d’identité révolutionnaire ici, juste un conflit insoluble contre et à travers l’identité. Ce désespoir et cette haine en sont le résultat. En conséquence, les attaques contre le genre ne seront pas à même de détruire le genre. Mon traitement aux hormones ou mes opérations chirurgicales, ou quoi que ce soit d’autre, est simplement ma façon de faire exister ce conflit au travers de la puissance qui me traverse. Il n’en résulte pas que ce sont des attaques contre le genre lui même, bien que cela puisse l’amener à s’adapter pour maintenir son existence. Au travers et contre [les genres, ndt] se distinguent par où (et comment) le conflit prend place. Ces cercles superposés – l’existant impossible et le non-existant – se créent l’un l’autre indéfiniment, formant la topographie du monde. J’en suis arrivé.e à comprendre pourquoi l’existant est impossible, mais le statut du non-existant est moins évident. Le non-existant n’est pas quelque chose qui puisse être acquis, mais quelque chose qui n’existe que comme l’ombre et les vides produits par le processus de structuration du monde. Ce n’est pas une issue. Pour autant, dans les fondations même de ce monde réside sa faiblesse, du fait même de sa propre création. « Pas-ceci », « pas-cela », au cœur même de la négation. Le « Rien », comme le grain de sable qui fait naître le conflit. « Rien », parce qu’il manque des catégories, parce que c’est le vide qui déborde chaque nom qui lui est donné. On ne peut pas l’élaborer, il se brise perpétuellement. On ne peut pas l’apprivoiser, il exploserait en se révoltant. Il existe dans l’espace entre les choses, et au cœur de chaque chose. Il ne peut jamais être contenu. Ce « Rien » tend à détruire tout sur son passage.

Considérant les réponses négatives que la dysphorie présente, je pense qu’un processus d’actions contre le genre émerge. Là où la dysphorie nous conduit vers la destruction, et nous éloigne d’interactions avec les genres tels qu’ils sont définis, nous voyons quelque chose (où plutôt, un « Rien ») qui dissoud, attaque, démolit. Celui çi qui peut souvent apparaître au travers d’une destruction de soi, ou dirigée contre soi, comme le suicide, les consommations ou abus de drogue, les scarifications, mais il apparaît également dans n’importe quelle autre action dirigée vers l’extérieur et par laquelle, j’essaye, instable et misérable, de tout clarifier autour de moi. Tout cet ensemble est fondamentalement une destruction, une action qui menace l’existence même de la structure. Le fait de mégenrer est un exemple de cette structure qui s’impose, qui dirige le conflit vers une violence toujours plus grande en moi-même. La violence exercée sur les corps trans est aussi une négation de ce conflit, même s’il tend à faire disparaître ce « Rien ». Chaque action que nous pourrions mener qui interagit directement avec le genre sera au mieux inefficace, chaque effort pour nous imposer des genres rencontre une résistance grandissante et tout ce qu’il en reste est la destruction. Il n’y a que le « Rien » qui puisse détruire les genres.

Pour élaborer et clarifier : ce monde est caractérisé par les agissements du pouvoir productif, créant deux ombres qui se superposent. Dans un même temps, il y a l’existant, un résultat direct de création du pouvoir. Et comme un corollaire simultané, le non-existant apparaît dans les trous, les espaces vides, les ombres produites, un mirage de ce qui pourrait mais qui se contredisent fondamentalement. L’existant et le non-existant sont impossibles, vides. Leur existence est à la fois permise et entravée par un grain de sable qui ne peut être contenu ni dans l’un ni dans l’autre mais qui a besoin des deux pour exister. Le genre existe comme un aspect du pouvoir qui crée le monde, et même si les manifestations évidentes du genre peuvent être séparées d’autres aspects du pouvoir, il prend racine dans ce pouvoir.

La dysphorie se situe dans l’espace où l’existant et le non-existant se chevauchent – et ce, dans le monde – et est caractérisée par l’antagonisme et la négation fondamentale. D’une part, c’est une négation de l’existant (pas-ceci) et [d’autre part, ndt] un désir pour le non-existant (pas-cela) autant que cela est possible. C’est à dire là où la dysphorie peut être adoucie en interagissant avec le genre, et en essayant de tirer l’existant vers le non-existant, elle n’affectera pas le pouvoir ou sa reproduction du monde. Là où la dysphorie devient sauvage et où le désir pour la dissolution devient une voie de sortie de ce monde pour un endroit qui n’existe pas encore. Pour détruire le genre, nous devons avoir la volonté de détruire le monde à l’intérieur duquel il existe. Il n’y a pas d’espoir de tout façons, alors… Pourquoi pas ?

Une pratique insurrectionnelle contre le genre : considérations sur la résonance, la mémoire et l’attaque

J’aimerais pouvoir dire que je suis devenue insensible à la douleur après toutes ces années, mais la nouvelle d’un meurtre d’une femme trans me donne toujours un grand coup dans l’estomac à chaque fois qu’elle m’atteint. En découvrant les détails du meurtre de Deoni Jones [10], je manque d’air, de mots et d’actions pour exprimer ma haine totale pour la société qui produit ce rythme de violence exercée par le genre ; et du deuil qui en est arrivé à caractériser la seule rythmique qui soit audible pour celleux d’entre nous qui cherchent une sortie à cette terrible chanson des genres. Il y a quelque chose à l’intérieur de moi qui souhaiterait presque devenir sourd à ce rythme, mais je sais que ça ne serait pas suffisant pour pour calmer les impacts du genre sur mon corps et dans mon quotidien, que j’ai sans cesse essayé de réduire au silence avec des hormones, de l’alcool, des drogues, et en écrivant des essais idiots. Je crains que cet essai ne soit qu’une autre de ces tentatives futiles. Tellement d’entre nous ont essayé ces moyens et d’autres, pour gérer individuellement la douleur écrasante du genre, mais il n’y a rien que nous puissions faire ; sauf en interrompant collectivement ce rythme et en détruisant le genre dans son entièreté, ce qui soulagerait nos cœurs lourds. C’est avec ça en tête que je vais élaborer une proposition pour celleux lassé.es de la violence de genre et de ses mort.es, pour la création d’un nouveau rythme de la vengeance contre l’ordre genré. Il y a certaines pratiques qui existent, que des personnes auto–proclamées « trans radicales » et « anarcha-féministes », appartenant à une certaine sous-culture activiste ont mis en place en réponse aux questions de genre. Ce qui inclut des ateliers/brochures sur le consentement, des « trans 101 » [11], des appels pour visibiliser les comportements de merde internes à leur sous-culture, ajoutés à des boums et orgies. Il n’y a certainement rien de problématique dans chacune de ces choses, mais si nous envisageons sérieusement le fait que nous devons détruire le genre et toutes les relations sociales de cette société, il y a clairement quelque chose qui manque dans une pratique qui challenge le genre uniquement au niveau du langage et des dynamiques sous-culturelles. Si nous abandonnons le modèle activiste gauchiste et acceptons le fait que « les mouvements révolutionnaires ne se répandent pas par contamination mais bien par résonance » et que cette idée aura été plus tard la base de cette thèse musicale insurrectionnelle, nous comprenons qu’il y a, à minima, un grand nombre de problèmes à penser que ces méthodes isolées pourraient à elles seules construire une force pour détruire le genre. Une telle pratique ne parvient ni à se pencher directement sur les manifestions matérielles de la violence de genre ni à créer des pratiques qui résonneraient avec la douleur inimaginable ancrée profondément dans nos corps. Nous devons créer un rythme de lutte qui résonnerait avec nos corps, et construirait des liens entre les attaques, la mémoire, et la terreur genrée que nous expérimentons quotidiennement.

Il est assez simple de commencer une discussion sur la stratégie insurrectionnelle avec la notion d’attaque. Pourtant, nombreux.ses sont celleux qui confondent ce processus avec le fait de simplement casser les vitrines d’une banque au hasard et d’écrire un communiqué disant aux keufs d’aller mourir. Bien sur, je ne veux pas condamner une telle pratique, je suis simplement plus intéressé.e par l’examen des méthodes par lesquelles diverses notions et pratiques d’attaques sont mises en relation avec notre mémoire et toutes les émotions qui se sont accumulées avec le temps, du fait de toute la violence de genre que nous avons endurée. Alors qu’il est assez simple de dénigrer les veillées à la bougie, ou la Journée Trans du Souvenir, ces moments fonctionnent pour créer une continuité et un rythme de mémoire en relation avec la violence sur les trans, ce que beaucoup d’approches radicales échouent à faire. Quand nous entendons le nom de Deoni Jones aujourd’hui, et que nous voyons des photos de groupes réunis autour de bougies, nous ne pouvons pas nous empêcher de penser à Dee Dee Parson, Shelley Hilliard, Lashai Mclean, Sandy Woulard, Chanel Larkin, Duana Johnson, Gwen Arajo, et à Marsha P.Johnson [12]. On ne peut s’empêcher d’avoir nos esprits remplis de l’histoire de celleux assassiné.es des mains d’une société qui doit maintenir l’ordre genré à tout prix. Il est tellement facile de se perdre dans la douleur que tout ça apporte, de regarder par dessus ton épaule chaque soir en rentrant chez toi, en espérant que ce bruit que tu viens d’entendre n’est pas celui de quelqu’un prêt à bondir sur toi. Tu peux rapidement oublier, et te le faire rappeler le mois suivant, quand cela arrive à une autre femme trans dans une autre ville, ou peut-être dans celle d’où tu viens.

Ceci est le rythme de notre mémoire, de nos peur et misère collective ; qui se répète à chaque meurtre, veillée, et Journée Trans du Souvenir. Une pratique insurrectionnelle qui attaque les fondations du genre doit aussi utiliser le rythme de la mémoire et de l’émotion, mais avec pour but de briser l’idéologie de la victimisation et de la passivité que les pratiques mentionnées maintiennent.

Des camarades insurrectionnel.les écrivent depuis quelque part dans le monde : « Le pouvoir a mis en œuvre en son nom une machine de l’oubli, toujours plus parfaite et macabre, dans le but de maintenir les conditions actuelles en sa faveur. L’amnésie génère seulement l’acceptation d’une réalité imposée tout en observant les luttes passées ou les camarades, comme des photographes, en coupant chaque connexion avec la réalité, et pour finalement montrer à quel point chaque tentative de désobéir aux maîtres est vouée à l’échec. » Ceci s’est manifesté dans des attaques en solidarité avec des camarades insurrectionnel.les qui sont tombé.es, ou qui font face à la répression. Ces attaques sont une tentative de puiser dans des réserves de haine viscérale pour ce monde et pour ses attaques sur celleux qui partagent le désir d’en voir la fin, connectant les rythmes de mémoire collective, un désir de vengeance et le terrain de lutte sur lequel ils se trouvent.

Nous sommes peut-être à même d’emprunter cette pratique de l’attaque à une situation dans laquelle les anarchistes font des auto-référence à l’histoire de leur propre lutte, pour aussi l’appliquer à notre cas, dans les cycles de violence mortelle genrée, et de deuil. De fait, ceci a déjà été expérimenté parmi des anarchistes au États–Unis. Ce modèle a été expérimenté dans la campagne de Bash Back [13] « Vengeance pour Dunna » pendant laquelle des anarchistes queers de différentes villes menèrent des actions en réponse au meurtre de Dunna Johnson à Memphis, Tennessee, en 2008. Ceci a fait naître une pratique qui connectait les émotions viscérales de vengeance avec la mémoire collective, des attaques qui apportaient du pouvoir et le refus de la victimisation. Son échec fût peut-être de ne pas réussir à continuer de matérialiser cette force à chaque mort, bien que ces derniers temps il y ait eu une résurgence d’attaques vengeresses. Si nous voulons construire un rythme de bashing back [14], nous devons être plus efficaces en refusant de laisser la mort d’une femme trans être oubliée. Nous devons imposer nos propres rythmes puissants, identifiant les centres névralgiques du contrôle et de la violence de genre dans notre terrain de lutte local, et en exigeant notre vengeance contre eux, déplaçant les rythmes de peur, de victimisation, et des gestes futiles qui continuent de caractériser les réponses anarchistes, féministes ou trans-activistes actuelles à la violence de genre. Par la connexion entre le terrain de notre vie quotidienne et des cycles de lutte contre la violence de genre, nous rendons matérielle notre résistance et laissons une trace tangible de notre refus de la victimisation. Si cette pratique est vouée à faire résonance, nous devons sérieusement élaborer ce rythme et refuser que soit ignorée la multiplication de décès de personnes trans tout autour de nous, et ce par des actes de sabotage de médias, de graffs, ou toute une variété d’autres méthodes. Nous avons l’opportunité d’expérimenter de nombreuses méthodes d’action avec le potentiel de diffuser des techniques de sabotage de la reproduction d’un monde genré. Expérimentons audacieusement dans ce but. Alors seulement, peut-être que la musique douloureuse du genre sera remplacée par celle du vacarme de son écroulement.

Pratique

Communiqué

Ceci est une déclaration politique inébranlable, un effort consciencieux pour politiser un événement, sans être dans l’excuse ou sur la défensive. Cette déclaration est écrite par un collectif de femmes qui se sont réunies au printemps 2010, basée sur des expériences collectives et des préoccupations autour du patriarcat et de la violence sexuelle, dans la scène radicale et au-delà. Lors de nos rencontres et discussions, nous avons appris que beaucoup de femmes participantes avaient expérimenté une forme de violence sexuelle. Ce n’est pas une coïncidence si nous avons eu cette expérience avec le pouvoir. Le viol n’est pas une malchance individuelle, mais une expérience de la domination partagée par beaucoup de femmes. Quand plus de deux personnes ont souffert de la même oppression le problème n’est plus personnel mais politique – donc, le viol est une affaire politique.
Manifeste féministe radical féministe (New York, 1971).

La violence contre les femmes contribue à un système de pouvoir, organisant la société en un modèle complexe de relations basées sur une supposition parfois invisible, intériorisée, d’une suprématie masculine. Le viol n’est pas l’unique forme de contrôle que des personnes au corps masculinisé [15] peuvent pratiquer dans leur relation romantique, amicale, ou de camaraderie. Les abus aussi bien émotionnels que physiques fonctionnent comme des moyens de maintenir par la force une hiérarchie et du contrôle sur les femmes, leur sexualité, et le système reproducteur.

Le silence et la discrétion qui souvent entourent les problèmes de pouvoir et de domination ne devraient en aucun cas être pris pour de la complicité, mais pour autant, nous, en temps que femmes ne resterons pas silencieuses plus longtemps.

Idéologiquement parlant, des personnes au corps masculinisé anarchistes et communistes, se reconnaissent dans des principes d’égalitarisme et d’anti-autoritarisme, et pourtant leur pratiques quotidiennes en la matière sont limitées. Nous avons régulièrement vu un gouffre entre la théorie et la pratique dans la façon dont les personnes aux corps masculinisé traitent les femmes, et d’autres personnes opprimées. Nous avons vu, encore et encore, des comportements genrés hommes reproduire le système précis que nous nous employons à détruire. Nous refusons de permettre que ceci perdure.

Durant nos rencontres, nous avons identifié une personne au corps masculinisé comme étant un auteure régulier de violence sexuelle sur des personnes au corps féminisé : Jan Michael Dichter, aussi connu sous le nom de Maus. Cet individu précis, dont le vocabulaire consiste en un jargon anti-patriarcal, a commis antérieurement des violences sexuelles, et à participé à des processus de médiation définis par la personne survivante. Puisqu’il continue à transgresser des limites, violant et agressant sexuellement des femmes à Boston et à Santa Cruz, nous avons décidé de nous confronter à lui. Nous sommes allées le trouver chez lui, et l’avons verbalement attaqué. Il a refusé d’admettre ses responsabilités et ses mots étaient manipulateurs et insultants. Quand il refusa de se taire, on lui a fait fermer sa gueule. Le but était de le faire souffrir, même si ça ne serait jamais qu’une petite portion de la quantité de souffrance que ses victimes ont ressenti.

Nous avons fait ce qui devait être fait par pure nécessité. En tant que radicales, nous savons que le système légal est merdique – de nombreuses lois et processus légaux sont racistes, classistes, hétéro-sexistes et misogynes. Les processus de médiation alternatifs, très similairement aux traditionnels, forcent souvent la personne survivante à revivre le traumatisme de l’agression, et la pousse à utiliser sa réputation – un concept problématique en soi – comme « preuve » de sa crédibilité. Ils finissent par être une copie inefficace d’un procès judiciaire qui laisse l’auteure se tirer d’affaire, alors que la personne survivante doit vivre avec la mémoire de l’agression pour le reste de sa vie (communiqué anonyme de NYC, 2009). Le système légal des USA et le système alternatif basé sur la communauté ne sont simplement pas assez adéquats pour la personne survivante, et certainement pas révolutionnaires.

Le viol est empêtré dans un système patriarcal et de domination. Il nous serait très utile de considérer le viol comme partie intégrante d’une analyse de classe et de race. Ça n’est pas seulement un crime commis par des individus contre des individus, il est systémique et structurel. C’est notre intérêt matériel de femmes qui nous pousse à nous défendre. Les conséquences matérielles du patriarcat et de la suprématie des personnes au corps masculinisé poussent toutes les femmes, peu importe comme elles se définissent elles-mêmes idéologiquement, à se battre contre notre oppression. Dans notre travail comme communauté radicale, que nous soyons des personnes au corps masculinisé ou féminisé nous devons œuvrer pour démanteler cette forme d’oppression et de domination. Nous trouvons que c’est une trahison incompréhensible et inacceptable que nos prétendus « amis » personnes au corps masculinisé perpétuent cette forme d’assujettissement sur des camarades au corps féminisé. Le simple fait de pouvoir réciter de la théorie féministe ne veut pas dire qu’on doive te faire confiance.

Nous trouvons aussi particulièrement offensant le soutien tacite aux personnes agresseures avec des corps masculinisés, tout comme le détournement de nos médiations collectivement définies. Des tentatives de certains auto-proclamés « hommes alliés » pour prendre le contrôle de l’action en confrontant Maus eux-mêmes, mettant la pression sur des femmes pour être inclus, et appelant à un rendez-vous public sans notre permission, sapant nos pratiques d’auto-organisation. Au lieu de montrer leur soutien, ces hommes ont montré clairement qu’ils n’avaient pas l’intention de nous laisser agir en notre nom propre sans qu’ils soient impliqués. Le type d’action que nous avons mené en groupe de camarades aux corps féminisés s’aligne clairement à des politiques anti-hiérarchiques et avec des buts d’auto-détermination. Si nos « camardes » au corps masculinisé veulent être considérés comme des camarades, nous aimerions les voir agir comme tels.

Cette action marque un précédent, le début d’un nouveau genre de processus de médiation, celui qui laisse l’auteure plein de douleur et qui articule notre appel pour le démantèlement de la suprématie masculine dans les communautés politiques radicales et au-delà. Nous savons que Maus n’est pas le seul coupable. Nous savons qu’il y en a d’autres d’entre vous dehors…

Il faudrait une révolution pour éliminer la violence structurelle, donc un agenda anti-viol doit être ajouté à notre agenda révolutionnaire. Nous l’exigeons maintenant.

[Note de la traduction : bien que je trouve cette action marquante et inspirante, plusieurs choses m’ont donné envie de réagir : d’abord la phrase « Les conséquences matérielles du patriarcat […] poussent toutes les femmes, […] à se battre contre notre oppression. » Je ne suis absolument pas d’accord avec l’idée qui dirait que toutes les femmes combattent le patriarcat. Certaines en sont les plus ferventes défenseuses (ie des groupes de femmes religieuses et/ou réactionnaires).

Ensuite, bien que mes idées sur la question soient moins tranchées, j’ai quand même un problème avec le ton de la fin du texte. La formulation « sans notre permission » me met profondément mal à l’aise, et par là l’idée qu’une pratique soit conditionnée par l’obtention d’une permission, et ce quelles que soient les catégories oppressé.es/oppresseures en jeu.

Je ne suis ni pour la misandrie ni pour la misogynie, même si je ne mets bien évidemment pas ces deux concepts sur un même plan. Mais parler « de permission » pour moi renvoie à l’idée d’une autorité qu’il faudrait respecter. L’idée que l’on ne puisse pas critiquer les discours ou agissements d’un groupe de personnes qui subissent une oppression liée à une identité, imposée ou choisie, sans en faire soi-même partie, me paraît tout à fait dangereuse, et moralisante (qui détermine ce qui est bien ou mal au nom d’une idée qui se veut rationnelle). Pour moi la critique est aussi importante que le background de la personne qui l’émet.

Je suis bien d’accord pour dire que les personnes qui cherchent à s’imposer dans des mixités dans lesquelles elles n’ont pas leur place sont particulièrement reloues, et que j’ai bien souvent envie de leur faire comprendre, de manière verbale ou physique. De même pour des personnes qui mettent en place des choses qui vont à l’encontre de mes propres initiatives. Mais je n’ai pas envie d’utiliser un argument d’autorité pour les contraindre à ne pas le faire. (Je préfère m’opposer physiquement à elles si elles ne veulent pas comprendre en quoi ce qu’elles font me pose problème, plutôt que de poser des « règles » à respecter.)

Ceci dit, ce texte présente la violence comme une forme de punition (comme je l’entends destinée à corriger l’auteure, dans l’idée qu’ille ne recommence pas), et non pas de vengeance (destinée rendre du pouvoir à la personne cible, plutôt centré sur ses besoins à elle) et je trouve pertinent le débat qu’engendre l’opposition, ou l’utilisation de ces concepts.]

On va vous en montrer des salopes hystériques I

Habillées de jupes noires et de masques assortis, des dizaines de femmes se sont rassemblées samedi soir pour une marche anticapitaliste « Take Back the Night » [16] interrompant le trafic sur l’avenue Bedford, renversant des poubelles et cassant des vitres. Fatiguées des slogans racoleurs lancés depuis les trottoirs du campus [17], nous avons repris la nuit, refusant le mécanisme structurel qui crée violeures et victimes.

Bien que ces dernières années, les « Take Back the Night » aient été récupérées par des féministes réformistes, elles sont nées dans l’agitation largement étendue de l’Italie à la fin des années 1970.

En 1976, une personne de 17 ans a été cible d’un viol collectif à Rome. Un an plus tard, quand le dossier est passé en procès, elle a été violée à nouveau par les mêmes hommes et cette fois, tout son corps a été tailladé avec des lames de rasoir dans l’intention de la faire taire. En quelques heures, 15 000 femmes se sont mobilisées, toute habillées comme le sont généralement les travailleuses du sexe de ce district ; « PLUS DE MÈRES, D’ÉPOUSES, DE FILLES : DÉTRUISONS LES FAMILLES ! » était le cri entendu dans les rues. Elles n’étaient pas loin de détruire tout le quartier.

Quarante ans plus tard, nous avons encore marché pour refuser la violence qui continue de nous forcer à être des ménagères, des jouets baisables, des mamans et des filles à papa. Nous refusons d’envisager l’oppression des femmes dans la sphère privée comme un simple fait culturel ou une question idéologique.

Nous voyons le capitalisme et le patriarcat comme un seul et même système intrinsèquement interconnecté. Nous de demandons pas plus de droits : nous exigeons quelque chose d’entièrement différent.

Une femme dans la rue s’est arrêtée et à commencé à nous prendre la tête : « Pourquoi est ce que vous faites ça ? ». Réponse rapide : « Parce qu’on en a marre des viols et du maquillage ». La femme répond « Saoule-toi, baise un coup, et fais avec ! ».

Mais on ne se contente plus de ça. Nous ne demandons pas nos droits dans la rue, on les prend, on ne demande pas des publicités qui n’objectifient pas les femmes, nous détruisons les mécanismes commerciaux qui font des femmes des objets. Nous n’implorons pas le pouvoir masculin pour en finir avec les viols mais nous menaçons : « Si tu me touches, je vais te crever ! ». Pour une fois les mécanismes qui créent et maintiennent des identités féminines étaient refusés et nos désirs étaient nôtres, nos corps étaient nôtres et notre violence nous appartenait.

On va vous en montrer des salopes hystériques II

Jacob Onto est une merde de violeur. Nous sommes fatigué.es des processus de médiation forçant les survivant.es à revivre, encore et encore, les traumas des agressions, les forçant à mettre leur réputation en jeu comme preuve de crédibilité, et qui, au final, recréent des processus judiciaires inefficaces qui laissent l’auteure échapper à toute punition pendant que la.e survivant.e. doit vivre avec ça le restant de sa vie.

Au minimum, l’auteure devrait sentir quelque chose, une trace durable de son comportement, quelque chose qu’il se remémorera à chaque fois qu’il sexualisera, et ce, si jamais il sexualise à nouveau. Nous avons donc décidé de faire en sorte que ce soit une agression que Jacob n’oublie jamais. Nous sommes tombé.es dessus avec une batte de baseball. En l’interrogeant, il a admis : pas une seule fois il ne mentionnait le consentement. Nous lui avons fait dire « Je suis un violeure ». Nous l’avons laissé dans le noir, en train de chialer dans son lit : il ne se sentira plus jamais en sécurité.

C’est sans précédent. C’est le début d’une nouvelle forme de médiation, une forme qui laisse l’auteure en souffrance, bien que ce ne soit encore qu’une petite fraction de la peine qu’il avait causé. Nous savons que Jacob n’est pas le seul coupable. Nous savons qu’il y en a encore d’autres ailleurs. Nous ne sommes pas désolé.es et nous n’allons pas nous arrêter : à partir de maintenant, nous répondrons aux agressions sexuelles par la violence.

« Si tu me touches, je vais te crever ! », rassemblons – nous !

(Annonce publique : Nous vous encourageons à désormais tous.tes utiliser le consentement et que ce soit bien clair : le consentement n’est pas l’absence d’un « non » mais la présence d’un « oui ».)

Modeste proposition de quelques salopes hystériques

Ces dernières semaines, les salopes hystériques ont choisi de montrer leur pouvoir d’une façon sadique et malsaine à un quartier dégueulasse de jeunes cadres dynamiques, et aux violeures pseudo anarchistes.

Alors que celleux qui font l’apologie du viol et plus généralement des gars au comportement merdique ont réagi de façon horrifiés et ont évoqué les concepts anachroniques de « communauté » pour se défendre, nous, en tant que salopes hystériques nous voulons reduire en lambeaux ce tissu de mensonge, et dire « On en veut encore ! »

La seule chose qui compte c’est que quand des salopes se font attaquer parce qu’elles font la guerre contre leurs foutues conditions, d’autres salopes hystériques seront là pour mettre de l’huile sur le feu. Nous sommes excité.es par le fait que des anarcho-connards soient horrifiés, ça signifie que l’on est sur la bonne voie.

Notre proposition est simple : des crews de salopes hystériques partout, dans toutes les villes de ce pays et au-delà. Attaquez vos violeures, écrivez des théories féministes insurrectionnelles dont on a tellement besoin, devenons une force autonome qui détruira tout sur son sillage. Celleux qui font l’apologie du viol, les patriarches et les anarcho-connards soyez prévenus ; vous ne serez plus épargné par notre rage. Quand tu fais de la merde avec une salope hystérique, tu fais de la merde avec nous toutes. Nous ne sommes pas si sages et dociles en ce moment.

« Mec, je vais te faire payer la merde que tu as fait. »

Une des futures cellules autonomes des Salopes Hystériques

Un gang queer tabasse un nazi à la Gay Pride d’Albany, le 16 juin 2009

Nous avons trouvé « Spanish Blue Blood » [18], 41 ans, autoproclamé « combattant d’élite » du Mouvement national-socialiste (NSM) et modérateur du forum officiel du parti du NSM, assis à un arrêt de bus et attendant une bande qui ne s’est jamais montrée. À la seconde où il nous a vu.es, il s’est enfui dans les rues mais nous l’avons rattrapé pas très loin et lui avons donné ce qu’il méritait.

« Spanish Blue Blood », qui vit dans le quartier Colonie d’Albany, a essayé, pendant des semaines, d’attirer assez de gens pour organiser une contre-manif à la Gay Pride, mais apparemment il n’a même pas trouvé une seule personne. Il a récemment célébré ses 41 ans, le 9 juin, nous lui avons donc donné quelques cadeaux en retard, sous la forme de poings fermement serrés. Le gang l’a frappé jusqu’à ce que les flics se montrent et nous sommes revenu.es dans le parc sans arrestation.

Un crew disparate de queers, d’antifas et d’anarchistes

Boîtes aux lettres du journal Bee sabotées (Modesto)

Elle fait des sacrifices pour que sa fille ne perde pas. Alors respecte-la, et paye pour le temps écoulé.
Lil Wayne, « Sweetest Girl ».

Il semble que le département local du shérif (connu pour s’être fait taper sur les doigts avec de grosses poursuites judiciaires pour agression sexuelle, et pour s’être fait voler leurs propres armes juste sous leur nez dans la Honor Farm [19]) a du faire face à une nuit calme à Modesto, il y a quelques jours. A la place de faire ce que la majorité d’entre nous faisons pendant une journée de travail calme (c’est à dire rien), illes ont décidé de donner le « meilleur d’elleux-mêmes », de descendre sur la neuvième rue et d’arrêter plusieurs travailleures du sexe après avoir attendu que divers macs les ramènent dans des motels.

Plus gerbant encore, le Modesto Bee [20] a imprimé les noms de ces personnes dans leur dégoûtante publication, pour ensuite les humilier et faire l’éloge de la police dans leur article. Les travailleures du sexe, comme tou.tes les travailleures, vendent leur labeur pour de l’argent. En tant que femmes dans une société patriarcale elles doivent faire face aux attaques de leurs clients et souvent à celles de la police. Le même système qui cherche à les criminaliser est celui qui fait fermer la production dans l’imprimerie du Modesto Bee lui-même, menaçant des gens dans toute la Central Valley [21]. La police, la protectrice des riches. Les médias, leur bouche. Allez tous vous faire foutre !

Avec de la super glu, on vous a laissé un petit quelque chose, en sachant qu’avec un peu de chance le fait de ne pas pouvoir collecter l’argent des achats votre horrible publication sera une épine dans votre flanc. Au total dix boites à journaux ont été sabotées la semaine dernière. Ces actions sont faciles. Elles sont simple à reproduire. Crève le Modesto Bee, de ses licenciements en court et salaires de misère à son contenu élogieux pour les patrons et les flics.

Arrêtons de tourner autour du pot !
Contre le patriarcat et sa police !
Détruisons le capitalisme !

Des abeilles tueuses

Le rejet de la victimisation, par le fracassage de la tête d’un nazi

Ce vendredi 15 avril 2011 quelques antifas de l’Action Antiraciste ont appris la localisation de la conférence nationale du Mouvement National Socialiste au sujet de leurs promotions internes et de leurs perspectives pour les 5 années à venir. Un groupe d’une trentaine d’entre nous décidèrent de marcher vers là où les nazis étaient les plus fort.es pour les confronter physiquement et avec détermination ; et la crew en sortît clairement victorieuse. Un fois la poussière retombée, six nazis étaient hospitalisé.es, plus encore étaient blessé.es, leurs véhicules et propriétés sévèrement endommagés et leur conférence terminée. De notre côté, nous avions à déplorer une personne légèrement blessée.

Beaucoup d’entre nous dans la mêlée se trouvaient être des personnes de couleur, des travailleures, des migrant.es, des meufs, des queers, des trans, et/ou des personnes mises à l’épreuve ou en probation. La logique de la victimisation est constamment imposée à nous. On nous dit que nous sommes « en danger » et que nous devons être protégé.es et rester dociles. On nous dit que nous avons besoin d’autres personnes, surtout de l’état, pour nous protéger et prendre position à notre place. Mais, en ouvrant des têtes de nazis en deux nous avons rejeté la logique de la victimisation. Nous allons continuer à le faire, nous ne serons pas plus longtemps des victimes. Nous n’avons pas besoin des autres pour agir à notre place, nous nous suffisons à nous-mêmes.

Quand nous serons attaqué.es nous nous réunirons pour contre-attaquer, de façon tellement forte et sauvage que nous nous surprendrons nous–mêmes.

Si les nazis nous traitent ou nous appellent « sale petite pute de pédale » illes ne seront pas si loin du compte. Mais si illes assimilent ces insultes à de la faiblesse, les six à l’hosto leur prouveront le contraire.

Attaque d’une église catholique, à Olympia, le 14 janvier 2009

La nuit dernière j’ai rendu visite à l’église catholique. J’ai mis de la super-glu dans tous leurs verrous, et j’ai éclaté quelques vitres. Je suis sur.e que quiconque à déjà commis un acte de sabotage sait à quel point ce sentiment est éclatant. Si vous ne savez pas ce que ça fait, vous devriez juste essayer, pour vous-même.

Je suis juste rempli.e des atrocités commises par l’église et c’est l’heure de les faire souffrir pour toute la misère qu’illes ont imposé au monde : le massacre des sorcières, le génocide des indigènes, la négation du corps, l’esclavage, les guerres de conquêtes, la destruction du sauvage, leur complicité dans l’holocauste nazi, et toutes les autres choses qu’illes ont pu faire. Ça me véner et je ne peux pas en accepter plus. Actuellement illes font des appels au calme après le meurtre d’Oscar Grant [22] à Oakland proclamant qu’il est mieux là où il est maintenant (loin de sa compagne et de son gosse) et illes ont le culot de dénoncer les émeutes qui ont suivi. L’église, c’est des assassins, illes ont tué chacune des cultures qui ont croisé leur route et maintenant illes font des appel à la paix ? Je les emmerde, je veux la guerre. La chrétienté doit être brûlée sur un bûcher.

Tout ce que cette action requérait a été volé ; de la super-glu, un vélo, une cagoule, des gants et un marteau. Je me suis approché.e du bâtiment la nuit par l’entrée latérale. J’ai laissé mon vélo à coté de la route, vers un arbre après j’ai mis des cures-dents dans les verrous et j’ai barbouillé de glu (le cure-dent aide la glu à bien prendre dans la serrure [le cure dent ne doit pas dépasser de la serrure, ndt]) et j’ai répété cela cinq fois de suite. Après j’ai sorti le marteau et j’ai éclaté quelques vitres, j’ai enfourché mon vélo et j’ai tracé jusqu’à la maison. Sur le trajet du retour j’ai balancé la super-glu dans des containers à poubelle.

Cette action est en solidarité avec les émeutièr.es d’Oakland et de Grèce, Bash Back !, les guerriè.res natif.ves qui résistent à l’église et aux JO de 2010 et à quiconque ayant brûlé l’église de Sarah Palin [23].

Sortons la nuit pour (nous) éclater !

Un ange renégat

Mon pronom préféré est la négation (Pittsburgh, septembre 2009)

Jeudi soir, après un discours queer radical incitant à l’émeute, un black bloc a émergé, lançant le quatrième round de combats de rue de la journée. Ce bloc particulièrement malicieux (plus tard appelé le Bash Back ! black bloc) s’est déplacé à travers Oakland, brisant d’innombrables fenêtres, renversant des poubelles et y mettant le feu.

La remarque d’un.e ami.e : « Qu’est-ce qui est si queer là-dedans ? Les gens étaient juste habillé.es en noir et brûlaient des trucs dans la rue. » Nous répondons : porter du noir et tout détruire pourrait bien être le plus queer de tous les gestes.

En fait, cela touche le cœur du sujet : être queer, c’est nier. A l’intersection de nos corps déviants, nous avons expérimenté, nous transformant en une foule, questionnant les limites de nos corps. Baguettes de fées [24], diadèmes, marteaux et masques furent rajoutés à nos membres, telles de dangereuses prothèses. Cailloux, poubelles et robes noires à paillettes furent profanées et mises en service – jetés par les fenêtres, incendiés, et drapées autour de nos épaules comme les plus fabuleux atouts pour l’émeute. Nos limites individuelles se sont plus tard dissoutes au milieu d’un sol jonché de verre brisé et d’ordures fumantes, parsemant le terrain de jeu.

Sans hésiter, les queers se débarrassèrent des contraintes identitaires en devenant autonomes, mobiles et multiples, avec des différences variables. Nous avons interchangé nos désirs, des compliments, extases et tendres émotions sans nous référer aux tables de la plus-value des structures de pouvoir. Des bras musclés ont construit des barricades et détruit des trucs au son d’hymnes imaginaires de Riot Grrl [25] (où était-ce La Roux) ?

Si l’hypothèse selon laquelle le genre est toujours performatif est correcte, alors nos « soi » préformés ont résonné avec le genre le plus queer de tous : celui de la destruction totale. Désormais, nos pronoms de genre préférés sont le son du verre qui se brise, le poids des marteaux dans nos mains et l’odeur sucrée collante du mobilier en feu.

Adressez-vous à nous en conséquence.

La marche continua son saccage le long de Forbes, et rencontra sur sa route un apprenti agresseure de queers qui nous traita de pédés. Avant qu’il ne réalise sa bétise, nous avons exercé un sadisme froid et sanglant sur ce débile. Nous lui avons montré son erreur à travers une pluie de coups de pieds et de poings, et une dose copieuse de gaz lacrymogène. Avant même qu’il ne touche le sol, la logique immunitaire du bio-pouvoir fut renversée. Son pouvoir de façonner nos corps et de les exposer à la mort s’était effondré sur lui-même. Oui, nos corps ont été façonnés, mais en vaisseaux monstrueux de potentialités et de révoltes. Lui et son pouvoir sont devenu nos objets et ont été exposé à notre violence.

Un mélange de notre délinquance brute et de nos désirs pervers a sans vergogne saturé les rues (et les salles de bains, hôtels et ruelles) de Pittsburgh cette dernière semaine. Avec une irresponsabilité grisante, nous avons détruit, baisé, combattu et joui partout sur le terrain symbolique appartenant aux politiques, en osmose uniquement avec notre soif de désordre. Utilisant nos corps vibrants contre la retenue elle-même, nous n’avions aucun message – choisissant à la place de laisser derrière nous des ruines de nos limites et un chemin de démolition tangible. Notre déchaînement d’envies violentes envers les frats–boys homophobes et les addictions mortifères du quotidien a tout submergé alors que nous continuions à nous exciter mutuellement. On a mouillé et joui bien fort sur des tas d’argent sale, corrompant chaque monceau de stérilité avec la puanteur de nos corps transpirants – endorloris de satisfaction impure. Nos corps intrigants et à la recherche de plaisir sont entrés en conflit avec des réalités inférieures et en sont sortis victorieux. Nous avons laissé les tâches les plus queer qui soient sur tous les morceaux brisés du capital, honoré par notre présence.

Deux questions ont été posées cet été. A Chicago : “Barricader ou ne pas barricader ?”, et à New-York : “Est-ce qu’elle en a quelque chose à foutre de l’insurrection ?” ; jeudi a définitivement répondu par l’affirmative à ces deux questions. À la question des barricades nous répondons que nous nous préoccupons uniquement des façons dont nous pouvons les rendre plus grandes, plus fortes, plus terribles. À l’autre, nous proposons une forme de vie qui pourrait être interprétée comme l’union des barricades et des jambes poilues. Et même plus : une synthèse de gode-ceinture, de marteaux, de perruques excentriques, de pavés, de flammes, de gaz lacrymo, de langues sensuelles et mouillées, de fisting et toujours d’ultra-violence.

Banderoles déployées et voitures de flics sabotées en vengeance de la mort de Shelley Hilliard

Aux petites heures du matin du 13 novembre, une banderole a été accrochée au dessus du pont qui passe sur la L90/94 à Chicago, clamant, « Ne pleurons pas, attaquons ! Vengeons Shelley ! » et trois véhicules de police ont été sabotés en réponse au meurtre brutal d’une jeune meuf trans nommée Shelley « Tresor » Hilliard, son torse a été retrouvé le long de la même autoroute (I-94) à Détroit, la semaine passée.

Il est facile de se perdre dans le chagrin inspiré par la violence de genre brutale qui expose le corps des meufs trans à une chance sur douze de mort violente entre les mains des partisans défendant cette triste société.

Mais notre violence est une alchimie qui peut transformer nos larmes en un puissant poison ruisselant sur la gorge de l’ordre social. Faites des actions pour venger la mort de Shelley et pour nous rappeler à tous.tes que face à la terreur de la prison, de la police, et des agressions envers les queers, il y a notre obligation à répondre avec violence contre tout ce qui voudrait nous détruire. Nous espérons plus d’attaques pour Shelley et pour nous tous.tes dans les semaines à venir. Solidarité avec toutes les meufs trans et genres rebelles survivant.es et se rebellant même au cœur des taules et face aux flingues des flics !

Solidarité à tous.tes nos camarades aux États-Unis au Mexique, en Grèce, au Chili, et dans tous les autres endroits où l’on a choisi d’attaquer et d’affronter la violence de la loi !

Solidarité avec celleux dont la survie les a fait.es criminel.les et qui reprennent leur capacité à lutter.

Bien à vous, dans l’attaque des genres,

Quelques travelos véner.es avec des couteaux

Des bougies aux torches : alternatives délinquantes au jour de commémoration trans et les attaques à venir

Comme des milliers de personnes, dans des villes partout dans le monde, se retrouvèrent le 20 novembre à l’appel de transgender.org pour honorer la mémoire des 23 personnes trans assassinées l’année passée, quelques un.es d’entre nous décidèrent de louper l’opportunité d’écouter silencieusement les politiques de la « communauté trans » réciter le nom de nos mort.es [26] autour de bougies, aussi romantique que ça puisse paraître. À la place nous nous sommes aventuré.es dans la brume épaisse d’une nuit d’automne du Northwest et avons fais quelques tags, des petits gestes d’opposition à l’état, aux agresseures de queers et aux gauchistes qui usent le sang des trans pour construire des campagnes sur la législation criminelle et ses réformes. Nous sommes contre la législation criminelle parce que nous sommes contre la prison, contre le tableau exaspérant qui dépeint les flics comme protecteures, contre le fait de se lever devant des juges dans leur salle d’audience détestables, contre (bien que pas le moins du monde surpris.es par) la façon dont une telle législation est utilisée pour défendre celleux en position de pouvoir, et parce que nous sommes, au fond de nos cœurs, les ennemi.es criminel.les rempli.es de haine de la société civilisée.

À la fin de la nuit, plusieurs murs et surfaces avait fait l’objet de vandalisme, avec des symboles trans, des (A), la proclamation largement répandue « Trop de trans assassiné.es, pas assez de flics morts » et en lettres argentées de 6 mètres de haut « Vengeance pour Shelley Hilliard ! (A) Bash Back ! » sur le toit sombre d’une entreprise.

Shelley Hilliard, aussi connue sous le nom de Tresor était une femme trans de Détroit de 19 ans qui a été identifiée par un tatouage au début du mois, après que son torse brun ait été retrouvé sur le bas côté de l’autoroute. Krissi Bates a été retrouvée poignardée à mort dans son appartement de Minneapolis en janvier, un meurtre brutal qualifié de « massacre ». Tyra Trent a été étranglée à mort dans son appartement de Baltimore en février. Miss Nate Nate Eugène Davis a été tuée par balle et abandonnée dans un container à poubelle en juin. Lashai Mclean a été tuée par balle dans une rue à Washington, DC en juillet. Camilia Guzman a été poignardée à mort par un mac à New York en août. Gaurav Gopalan est morte des suites d’un traumatisme crânien en septembre et Chassity Vickers a été tuée par balle à Hollywood il y a à peine 4 jours, le 16 novembre.

Cela ne sont que quelques exemples de meurtres de personnes transsexuelles, des seuls États-Unis et qui ont été découverts cette année. Des femmes dont la vie et la mort sont résumées par des reporters qui peuvent à peine contrôler leur mépris des queers et ne font pas le moindre effort pour déguiser leur dédain pour quiconque connue pour avoir été criminelle ou putain. Les cérémonies funéraires incarnent une mise en terre accélérée des corps mutilés, préparant des tombes sur lesquelles cracher. Un exemple a été donné par le pasteur des funérailles de Lashai Mclean qui s’est plusieurs fois référé à elle avec des pronoms masculins et qui est allé jusqu’à provoquer un départ massif des personnes trans présentes en clamant que « Quand tu vis un certain mode de vie, ceci est la conséquence à payer ».

Tout en nous souvenant de nos mort.es, n’oublions pas celleux toujours en lutte, et particulièrement celleux mis.es en examen et/ou vivant leur vie dans des cages.

En juin Catherine Carlson a été condamnée à 10 ans de prison dans l’Idaho après avoir été déclarée coupable d’incendie volontaire, de possession illégale d’explosif, de faux et usage de faux et d’exhibitionnisme. Avant d’être mise en examen, elle s’est enfermée dans sa caravane pendant des années, ne la quittant que quand c’était nécessaire, une fois tous les dix jours, quand elle avait besoin de bouffe et ne pouvait plus survivre à renfort de café uniquement. À chaque fois qu’elle quittait son chez elle, elle était raillée par les flics. Bien que son nom ait été légalement changé depuis 30 ans elle ne pouvait obtenir que son nom de naissance soit enlevé de son permis de conduire. Elle a été emprisonnée à 4 occasions pour conduite sans permis, dans un refus insoumis et inspirant de reconnaître les tentatives de l’état de contrôler son genre. Finalement, ces tourments amenèrent à une rupture. Catherine a construit ce qui semble être 4 bombes artisanales, les déposant près d’une citerne de propane, a mis le feu à son camion et à sa caravane, et a marché nue le long de l’autoroute jusqu’à être stoppée et arrêtée. Elle est actuellement dans un trou d’une prison pour hommes, bien qu’elle ait eu une opération chirurgicale de changement de sexe.

Dans la nuit du 5 juin à Minneapolis, Chishaun « Cece » McDonald s’est faite harcelée à la sortie d’un bar, parce qu’elle est noire et trans. Une bagarre a débutée, et quelques minutes plus tard son agresseure Dean Schmitz avait été poignardé à mort. Cece a été arrêtée, accusée de meurtre et à été libérée sous caution après un mois en isolement, et attend actuellement son procès [27].

Trois femmes trans ont été arrêtées en relation avec une attaque éclair de Dunkin Donuts à New York City dans la Cristofer Street la nuit du 16 mai. Christofer Street est une rue avec une histoire riche de résistance queer et trans (dont l’émeute de StoneWall [28]) et apparemment pas en mesure de se débarasser de la fière jeunesse trans qui zone dans la rue pour laquelle elle est connue et en dépit de dizaines d’années de gentrification et de campagnes « qualité de vie ». Pendant l’attaque, deux dizaines de jeunes transgenres ravagèrent les magasins, balancèrent des chaises, détruisent de coûteuses machines à café et pillèrent des trucs. Celleux arrêté.es furent accusé.es d’attaques, de dommages criminels, de menaces, d’émeutes et de possession criminelle d’armes.

En août, l’officier en permission Kenneth Fur pris sur lui-même de nous rappeler que la police est l’ennemie absolue. Il se fâcha quand trois femmes trans à DC refusèrent de participer à sa croyance que son salaire de flics pourrait acheter n’importe quel corps de trans qu’il trouverait dans la rue. Tellement énervé, en fait, qu’il grimpa sur le toit de leur voiture et tira sur les passagèr.es à l’intérieur. Une femme fut effleurée par une balle, une autre pris une balle dans la main et le frère de l’une d’elle fut touché à la poitrine. Les flics ont été assez sympa pour se montrer et escorter les personnes blessées à l’hôpital… menottées.

Il y a quelques jours à El Centro Broke Fantelli a été tasée à plusieurs reprises par un ranger du bureau de gestion des parcs. Brook a été arrêtée pour ivresse publique alors qu’elle prenait des photos dans le désert. Après avoir été identifiée, le ranger lui a dis : « Tu étais un gars » et l’a ensuite tasée alors qu’elle avait les mains en l’air. Une fois qu’elle était au sol, il l’a tasée à nouveau, cette fois dans les parties génitales.

Également ce mois ci, Andrea Jone fut arrêtée pour exhibition, ou, plus exactement pour montrer le système légal comme l’appareil brutal et illogique qu’il est. Andrea se balada torse nu dans le DMW [29] du Tennessee après s’être vue refuser le changement de son genre sur sa carte d’identité, d’homme à femme. En tant qu’ »homme », elle a dis, elle avait le droit légal d’enlever son tee-shirt. Elle a été enfermée 3 semaines, a perdu son boulot et va probablement être enregistrée sur le fichier des délinquants sexuels. Comme d’habitude, les flics sont libres de nous violer et de nous exposer à la violence sexuelle, tout en accusant celleux qu’illes prennent en otage de « délinquant.es criminel.les ».

Les plus vulnérables à cette tactique de l’État sont celleux dont les genres sont variants , les queers enfermé.es, les hommes noirs qui sont démonisés dans des campagnes puantes et racistes, présentés comme des « violeures » à chaque fois qu’un flics est tué par balle.

Pour finir, nous voulons mentionner Amazon, une trans lesbienne, emprisonnée en Californie depuis trente ans. Dans une lettre publiée plus tôt cette année dans une newsletter Noir et Rose [30], elle dit : « Je suis du collectif Genre et Anarchie dans les prisons. Nous sommes une organisation militante qui se bat pour la médecine transsexuelle sous forme d’hormones féminines et d’opération chirurgicale de modification du genre, et contre toutes les formes de haine, génocide et discrimination par les flics ou les prisonnièr.es qui leur ressemblent. Nous sommes aussi une structure d’auto-défense et avons combattu, combattons actuellement et combattrons pour les nôtres dans la cour. Je suis actuellement au trou pour « attaque sur détenu.e avec une arme ». Deux autres filles sont ici avec moi, l’une pour 3 attaques sur le personnel qui a sauté sur elle. Nous survivons à renfort d’auto défense agressive. » Elle continue ensuite en dénonçant l’activisme et l’engagement en politique, décrivant à la place la nécessaire « folie de la guerre civile post apocalyptique » de laquelle la paix sociale œuvre à nous tenir éloigné.es.« La prison c’est le gouvernement. Aucun gouvernement au monde ne va autoriser qui que ce soit à déconstruire ses prisons, quoi qu’il en soit. Donc pour vraiment abolir les prisons, le gouvernement doit être détruit, renversé ».

Ici pour la fin du système capitaliste, pour la protection duquel la police nous emprisonne, pour la liberté de toutes les femmes trans et la liberté pour tous et toutes. Tout comme nos cœurs brûlent avec la perte de celleux que nous aimons, puissent leurs villes brûler avec.

Dean Schmitz n’était pas le premier, et ne sera pas le dernier !

Pas pour le souvenir, mais pour la vengeance,
nous ne reposerons pas en paix !

Église homophobe attaquée en mémoire de Mark Aguhar et Paige Clay

Tôt dans la matinée du 24 avril un groupe de queers vénères a éclaté les vitres de l’église de Mars Hill dans le sud est de Portland. Mars Hill est un lieu de culte homophobe et misogyne notoire. Marc Driscoll, le chef de la paroisse a dis que les femmes doivent être au service de leur mari, et que les gays sont un cancer. Sa vision personnelle du christianisme est une croisade contre la « féminisation » de Jésus – nous queers vénères, on est pas fan.es de Jésus, mais on a un problème avec quiconque a un problème avec les femmes.

Cette action a été faite en mémoire de Mark Aguhar, une femme féroce queer trans de couleur et artiste de Chicago qui s’est tuée il y a moins d’un mois. Nous portons aussi dans nos cœurs Paige Clay une meuf trans de couleur qui a été retrouvée assassinée à Chicago le 16 avril ; Duanna Jonhson, une meuf trans noire vraisemblablement tuée par la police en 2008 ; Agnès Torres Sulca, Deoni Jones, et toutes les autres meufs trans qui ont été assassinées par cette société cis-sexiste raciste trans-misogyne.

Les églises sont un acteure majeur de la culture qui considère les meufs trans de couleur comme sacrifiables, qu’il ne vaut pas la peine de garder en vie. Les enfants qui sont forcé.es à fréquenter Mars Hill sont endoctriné.es par un dogme plein de haine qui leur apprend que leurs désirs naturels sont des abominations qui vont les mener droit en enfer. Les campagnes « Ça s’améliore » [31] de Dan Savage ne font rien de concret et d’immédiat pour les enfants queers piégé.es dans des modèles religieux et domestiques abusifs. Et ça ne s’améliorera jamais pour Mark, Paige, Agnes, Deoni, et pour d’innombrables autres meufs trans (spécialement les meufs trans de couleur) régulièrement assassinées.

Quand Mars Hill a été fondée, des auto-proclamé.es « représantant.es » de la « communauté » queer du Q center [32] ont rencontré les officiels de l’église pour entamer un dialogue. Ce que nous avons à dire au Q center c’est ceci : ON VOUS EMMERDE, vous ne nous représentez pas. Vous êtes des traitre.sses dégoutant.es qui priorisent la paix sociale et les aspirations bourgeoises de riches gays cis blanc.hes sur les besoins élémentaires des couches de la population queer marginalisée. On emmerde le dialogue avec des gent.es qui nous veulent mort.es, le seul dialogue dont nous avons besoin avec des ordures comme Mars Hill c’est des marteaux dans leurs fenêtres.

Nous avons éclaté Mars Hill parce qu’illes rendent nos vies misérables. Nous espérons que ce petit acte de vengeance mettra de la peur au ventre à tous leur pasteurs, et de la chaleur dans le cœur de nos ami.es et camarades (connu.es et inconnu.es). Ça ne va peut être pas s’améliorer, mais ça ne coûte rien d’essayer.

Des queers vénères de Portland

Attaque d’un Starbucks et d’une patrouille de police, par la Cece McDonald Brigade, le 1er mai 2012 à Denver

Après une journée ensoleillée dans les rues de Denver, et une manifestation de premier mai endiablée à souhaits ; quelques démon.es nocturnes queers et anarchistes se laissèrent aller et rendirent à la gentrification la monnaie de sa pièce. Ces camarades sont tristes de voir les prix des propriétés anciennement habitées par le voisinage ouvrier de The Highland s’envoler à cause des bobos, de leurs habitats partagés et des entreprises qui les suivent. Ces camarades se sont aussi lassé.es de voir cette infâme Starbucks beige sur Federal du coup illes lui ont donnée un petit coup de fraîcheur : cinq bombes de peinture ont participé à son ravalement de façade. Une bordure bétonnée a aussi été détruite en plein de petits morceaux pendant l’action. Les démon.es nocturnes queers ont attaqué le Starbucks pour le rôle qu’il joue dans la gentrification mais aussi pour leur tentatives de récupération de la lutte queers. Starbucks a récemment endossé des positions pro mariage gay essayant de s’attirer les faveurs des gay blancs cis de classe supérieure. Nous n’avons aucun désir de devenir une part du système qui nous détruit et nous ne nous assimilerons jamais à une société oppressive construite et maintenue par l’hétéro-sexisme et le cis-sexisme. Cette action a aussi été faite en solidarité avec l’Union des travailleures de Starbucks de l’IWW [33] et de leur lutte pour être reconnu.es.

Plus tard dans la nuit, cette joyeuse bande de queers a attaqué une patrouille de police garée à l’extérieur d’une résidence privée avec une autre bombe de peinture. Les flics sont aussi partie prenante de la gentrification en cours dans les Highland, harcelant la classe ouvrière et défendant la propriété des bobos et leurs commerces. (Et pour tout le bien qu’illes ont fait à Starbucks). Les flics ont une longue histoire d’attaques envers les personnes queers, des émeutes de la cafétéria de Compton [34] jusqu’à aujourd’hui. Bien que sans confrontation directe, le message reste le même : on sait que vous êtes dans notre quartier, et on aime pas ça. Donc quittez vos tafs ou prenez vous une balle dans la tête. Toutes ces actions ont été menées en solidarité avec Cece Mcdonald, une trans noire prisonnière de guerre pour de l’auto défense. Elle est actuellement au tribunal faisant face à des accusations d’homicide à Minneapolis, Minnesota, après s’être battue avec un néo-nazi et des transphobes. Chérie, tu es dans nos cœurs et nos esprits ! Et nous assumons une solidarité avec nos camarades arrêté.es pendant la manifs du premier mai suite à l’action des auto proclamé.es « flics » qui se définissent pacifistes. Dans chaque altercation autour du mouvement Occupy Denver il y a TOUJOURS eu des « pacifistes » qui s’en prennent physiquement aux « violents anarchistes ». On vous emmerde, allez mourir, nazis de la paix ! Spécialement Roshan Bliss et Tanner Spendley ; vous êtes tous les deux en tête de notre liste noire, ordures de balances libérales.

Solidarité avec toutes les prisonnièr.es et particulièrement nos prisonnièr.es de guerre queers trans. On est avec vous camarades.

Jusqu’à ce que toutes les cages soient vides,

Cece McDonald Brigade

[Note de la traduction : plusieurs choses qui nous ont interrogé dans ce texte, et dans d’autres, mais on profite de celui-ci pour réagir. D’abord, les allusions aux prix des loyers qui augmentent ou aux travailleures en grève, dans lesquelles on ne se retrouve pas trop, mais surtout l’utilisation d’un homonyme pour signer un communiqué, et l’appropriation des prisonnièr.es trans. Bien que cela soit une pratique répandue pour rendre hommage à des personnes mortes, – ce qui n’est pas le cas ici – nous pensons que cela risque fort de faire naître des hiérarchies au sein de ces groupes, par la création de leadership, et en mettant sur un piédestal les personnes arrêtées, occultant de ce fait toutes celles qui ne le sont pas. Et que l’utilisation des pronoms possessifs pour parler des personnes en prison (ou des mortes !) écrase les individualités, ne présentant leur existence qu’au travers du groupe.
L’idée de communauté de lutte unie est présente de façon diffuse dans la majorité des textes, et c’est logique dans une certaine mesure, puisque les textes tournent aussi autour de la question de l’identité. Mais le « nos » renvoie à une appartenance inconditionnelle, une possession par une mouvance qui engloberait toutes les personnes qui se reconnaissent dans une identité sociale, et qui par là se retrouve supérieure aux individu.es qui la composent. C’est ce que nous croyons être des réponses à un besoin d’appartenance, d’importance, qui, pour nous, vont à l’encontre de visions individualistes et émancipatrices.]

Attaque de banque aux Molotovs, par l’escadron queer en solidarité avec Cece McDonald, juin 2012

TELLEMENT DE RAISONS D’ÊTRE D’ÊTRE EN COLÈRE,
TELLEMENT DE MANIÈRES DE LA RÉPANDRE.

Suivant la lancée de superbes queers comme Cece Mcdonald, nous, queers frustré.es et dissidant.es refusons d’accepter la merditude des gens.
Solidarité éternelle avec Cece Mcdonald et les actions qu’elle a faites pour défendre sa vie, sa sécurité, et dégoût éternel envers un état qui a retourné contre elle l’horreur de son agression, avec une action punitive inutile et arbitraire allant même jusqu’à mettre en jeu sa sécurité.

Comment ne pas rester sur ses gardes, pour affronter la violente bigoterie sociale en tant que meufs trans de couleur dans la rue ; en étant agressées par un système institutionnalisé raciste trans-misogyne ? Dans un tel environnement ouvertement haineux, comment s’attendre à ce que des personnes comme Cece ne soit pas prêtes, et déterminées à se défendre ?

Comme un petit geste de solidarité avec Cece et toutes celles et ceux qui souffrent sous le joug de l’état raciste, capitaliste et transmisogyne, un cocktail Molotov a été jeté à travers une grande vitre de la Wells Fargo [banque, ndt] à Portland, Oregon, la nuit dernière. La bouteille enflammée a volé aisément à travers la vitre, répandant feu et verre à l’intérieur du bâtiment, un délicieux et bref moment d’échappement à un spectacle monotone sans fin.

Les banques comme la Wells Fargo continuent de faire du profit et de proliférer aux dépends de gens comme Cece investissant dans la police et dans l’industrie des complexes pénitentiaires qui protègent les intérêts des banques à travers un brutal contrôle social. Le capital n’est qu’immondice !

Solidarité aussi avec celleux qui subissent la répression politique ici à Portland, par des flicaillons et des misérables détectives qui s’occupent de vieux dossiers et de preuves bidons pour essayer de faire de nos camarades des exemples. Et une fois de plus, vous les flics restez désemparé.es face à nos actions contre vous et la propriété que vous essayez de défendre.

LES QUEERS FOUTENT LE BORDEL…
ET ILLES ONT BIEN RAISON – (A)TTAQUER EST SI FACILE !

Ajouts

On répondra chaque fois qu’on nous attaque – Lille

Dans la nuit du samedi 18 juin, le Bagelstein du Vieux-Lille à été redécoré à coup de peinture multicolore et sa serrure a été sabotée en écho à la manif de Rennes et l’action de Nantes qui ont eu lieu le même jour. On répondra chaque fois qu’on nous attaque

EN SOLIDARITE AVEC LES INCARCERES DU BAGELSTEIN DE RENNES

A Rennes le 26 mai, 4 personnes prennent de la prison ferme à la suite d’une altercation avec le gérant du fast-food « le Bagelstein ». A la suite de dénonciations par des féministes de la « déco » de cette chaîne de restauration rapide comportant de graves propos sexistes et homophobes apposés sur les murs et accessoires du restaurant, quatre étudiants viennent se rendre compte par eux mêmes de cette « décoration » qui va jusqu’à l’appel au viol. Après quelques remarques des étudiants, le gérant les insulte et les menace jusqu’à l’arrivée de la BAC. Les quatre jeunes se font embarquer sans ménagement, direction garde à vue, tribunal, prison.

Le juge les a condamné à des mois de prison ferme pour « violence en réunion lors de manifestation » (?!) en raison de leur implication dans les manifestations contre la loi travail. Le procès ne parle même pas de la raison de leur présence sur les lieux (= dénoncer la communication sexiste et homophobe de « Bagelstein »). Une fois de plus, le tribunal de Rennes a donc instruit un procès politique, visant à faire payer à ces quatre étudiants le « malaise », la « déprime », la « lassitude » des commerçants du centre-ville du fait de la mobilisation contre la « Loi Travaille ! », qui dure depuis trois mois.

La « déco » du « Bagelstein » que dénoncent les féministes et les étudiants incarcérés à Rennes c’est :
L’APPEL AU VIOL : « L’AMOUR C’EST UN SPORT, SURTOUT QUAND L’UN DES DEUX NE VEUT PAS »
LE MACHISME : « IL EXISTE 3 CATEGORIES DE FEMMES : LES PUTES, LES SALOPES ET LES EMMERDEUSES. Les putes couchent avec tout le monde, les salopes couchent avec tout le monde sauf avec toi, les emmerdeuses ne couchent qu’avec toi. »
L’HOMOPHOBIE : « J’EN AI MARRE DE CES GAYS-LA ! »

LIBERTE POUR TOUT.E.S LES INCARCERE.E.S DU MOUVEMENT SOCIAL
A BAS LE PATRIARCAT, A BAS LE CAPITALISME, A BAS L’ETAT, SA JUSTICE BOURGEOISE ET SES CHIENS DE GARDE [35].

Action contre le sexisme de Bagelstein – Toulouse

Pendant que des soi-disant spécialistes (nique ce concept) de Toulouse qui réclament le monopole de certains sujets vont s’allier avec les religieu-ses-x, nous, on agit la nuit (novembre 2016).

Nous revendiquons le déversement de peinture sur la vitrine du magasin ces dernières nuits à Tolosa quartier Esquirol. La pluie vous facilita l’enlèvement, la vitrine et la porte ne cédèrent pas mais votre sale logo de vitrine en garde quelques traces bien noires et en bonus quelques impacts sur vos vitres.

Contre le sexisme, le capitalisme et toutes les oppressions.
Contre les identitaires sexuels ! Pour et en soutien aux camarades et compagnon-ne-s de Rennes (et d’ailleurs) embastillé-e-s pour une action militante – on vous aime fort.

Nues, ivres ou isolées, nous ne sommes pas des proies – Toulouse

La Dépêche [36] n’est pas une forteresse inattaquable. Tous les grands groupes ont leurs faiblesses, à nous d’être inventives, rusées et suffisamment perspicaces pour les trouver. La Dépêche interactive est une branche du groupe La Dépêche. Cela suffit à nous en faire une cible.

Les raisons de nuire aux médias ne se comptent plus. C’est même un discours plutôt répandu chez celles et ceux qui ont compris que l’opinion publique ne sera jamais notre amie. Cette attaque est une réaction à la publication d’un article propageant l’idée que « nous, femmes » créons les conditions de nos agressions, en n’incarnant pas le modèle façonné par les désirs des hommes, qui nous veut silencieuses, soumises, obéissantes, et objet de consommation.

Les marteaux qui cette fois visent des vitres – comme ils pourraient viser des têtes – arment notre rage envers toutes celles et ceux qui renforce la culture du viol. Cette action est une foulée de plus dans le chemin sans fin de notre libération de toutes les oppressions. Nous ne le repeterons visiblement jamais assez, le viol n’est pas l’acte isolé d’un dangereux individu qui guetterait au coin d’une ruelle, mais bien, sinon une arme, souvent la menace et la punition corrective pour toutes les meufs qui ont fait de la rebellion leur vie ou simplement cherchent à sortir de la cage qu’est le patriarcat. Et c’est toujours le reflet d’un monde qui envisage les femmes comme des objets à soumettre.

Les médias nous instrumentalisent pour distiller la peur, en créant un besoin de sécurité auquel il faudrait répondre, dans l’urgence, par toujours plus de contrôle sur nos vies, de cameras, de relevés ADN. Illes ne cherchent pas à nous protéger, ce discours est un leurre pour augmenter leur domination.

Nous ne voulons pas déléguer notre protection, mais essayons de nous organiser pour nous défendre, et attaquer est une façon de le faire.

Sous entendre, comme le fait Jean Cohadon dans son article, que l’alcool et la drogue sont des problèmes récurrents chez les meufs qui ne peuvent être dissociés des viols et autres agressions dont elles font l’objet, c’est tenir leurs jambes écartées pendant que les bourreaux font leurs affaires. Ce journaleux médiocre, passionné de faits divers et d’intervention policières et un des milliers de complices impuni.e.s auxquel.le.s personne ne songe, ou n’ose, s’attaquer. La Dépèche, publiant son article dans leur torchon infâme, en est une autre.

Nous nous organisons, entre meufs, pour qu’un jour nous ne nous en prenions plus seulement à des vitres et à des murs mais bien aux gens qui se cachent derrière, et qui sont celles et ceux qui font l’objet de notre haine. Nous voulons qu’illes aient peur, qu’illes sachent que leurs agissement ne resteront pas toujours sans réponse. Nous voulons qu’illes pensent à toutes ces meufs vénères qui les guettent au coin d’une ruelle, et qui rêvent d’un jour leur enfoncer un marteau dans le cœur. Illes veulent nous rendre responsable des horreurs qu’ils nous font subir, nous voulons que la peur change de camp.

Cette action est dédiée à toutes les meufs énervées, nous espérons par là chauffer vos cœurs.
Que les actions contre le patriarcat se multiplient !
A vos marteaux… Prêtes ? Partez !

Des meuf venères

Petite visite chez les cathos intégristes – Besançon

Les homophobes de la « Manif pour tous » faisaient leur rentrée ce 16 octobre 2016. N’ayant pas pour habitude de laisser de pareil-le-s réactionnaires en paix, nous sommes allé-e-s, dans la nuit du 14 au 15 octobre, faire un tour du côté de la rue Sarrail où se trouve la chapelle de la Fraternité Saint-Pie X. Cette organisation est en partie affiliée aux fascistes de Civitas : tou-te-s sont activement impliqué-es dans cette mobilisation réactionnaire. Là-bas, murs et fenêtres moisis de ce trou à pétainistes ont été recouverts de tags : « Colons de la pensée – Mort à la religion / on baise comme on veut – La seule chapelle qui illumine est celle qui brûle – Ni Dieu ni maître – Fachos », ainsi que le symbole féministe. Une énorme inscription « Pétainistes, cul-bénis cassez-vous » a également été tracée sur la façade, encore souillée de taches de peinture par une précédente visite.

Ce dernier slogan, sans doute « trop visible » depuis la rue aux yeux de la mairie, a été effacé dès le lendemain. La brigade anti-tags de la mairie se mettrait-elle à travailler le week-end, qui plus est au service des cathos intégristes ? (après que la municipalité leur ait gracieusement cédé le bâtiment pour quelques clopinettes…). Ou alors ne s’agissait-il pas plutôt de nettoyer les rues, en vue de la grande braderie organisée par l’Union des Commerçants et la mairie ce même week-end ? Ou c’est peut-être un peu tout à la fois…

Ces soldats de Dieu nient notre existence, nos désirs et nos aspirations à une vie libre et épanouie. Nous ne cesserons jamais de nous opposer à leurs dogmes religieux, ainsi qu’à leur morale de mort et de soumission.

Riposte féministe contre les violences sexistes – ZAD de Notre-Dame-des-Landes

Ce lundi 9 mai 2016, nous étions une cinquantaine de meufs gouines trans pour virer m de la zad. Nous lui avons signifié qu’il avait 2h pour rassembler ses affaires et partir. On lui a également remis le texte qui suit. Il a eu la bonne idée de ne pas faire le malin et a même écourté ce temps : au bout d’une heure environ, il était dans une voiture avec 4 quatre d’entre nous pour l’amener à Nantes.

Nous étions pour la plupart des habitant.e.s de la zad, ainsi que des personnes restées après le week-end meufs-trans-pédés-gouines tout juste terminé. Le fait que ces 2 événements coïncidaient a été l’occasion de plus de soutien et a permis d’échanger sur des outils pratiques face aux violences sexistes avec des personnes venues de différentes villes.

En solidarité à cette action, radio Klaxon a diffusé des émissions et du son féministes toute la journée et il y a eu grève à la boulangerie. Cette action a été décidée dans le cadre de discussions en mixité choisie sur les violences conjugales démarrées il y a quelques semaines. Elle s’inscrit dans un processus : il y avait eu avant plein de tentatives de discussions et d’avertissements envers m. qui n’ont pas abouti à un changement de son comportement.

Lors des réflexions sur les limites communes des habitant.e.s de la zad, plusieurs sous-groupes avaient été pensés, dont un sur les violences sexuelles et un autre sur les violences quotidiennes. Seul ce dernier a abouti à quelque chose de concret, à savoir le « cycle des douze » [37]. Ce groupe n’a donc pas été pensé pour ce genre de problématiques et il n’existe toujours pas à ce jour de structure pour faire face aux violences sexistes. De plus, il nous parait évident que ce genre d’histoires se révèlent en mixité choisie (en l’occurrence entre meufs-gouines-trans), dans un cadre où la parole se libère sous forme de confidences à des personnes sensibilisées qui ne décrédibiliseront pas ce qui est raconté. C’est aussi dans ce cadre qu’il peut se créer de la solidarité sur la base d’une condition commune d’oppression. Cette solidarité fait face à des comportements s’inscrivant dans un rapport de domination structurel, il ne s’agit pas d’une vengeance personnelle. Cette action ne peut donc en aucun cas servir à légitimer des exclusions sur la zad qui répondraient à des conflits interpersonnels. Elle ne peut pas servir non plus à entretenir certains discours présentant la zad comme une zone dangereuse où régnerait la loi du plus fort. Soyons clair.e.s : les violences sexistes sur la zad ne sont pas pires qu’ailleurs ! Mais ici comme dans plein d’autres endroits, nous avons décidé de ne plus subir et de résister ! Une lutte parmi d’autres contre le monde de cet aéroport… Sous plein d’aspects, cette expérience nous a renforcé.e.s et a prouvé notre capacité d’organisation face aux violences sexistes en contribuant à briser l’isolement et en renforçant les liens entre meufs, gouines et trans.

Si tu te sens solidaire de cette action, à toi d’exprimer ouvertement ton soutien pour continuer à faire changer les mentalités ! [38]

 

Plus de lectures

Quelques idées de lectures liées aux sujets présentés dans la brochure. La liste n’a rien d’exhaustif, et on est loin de se retrouver dans tous les arguments qui y sont présentés. Pour autant, on y trouve une diversité de points de vue que je trouve intéressante, mon envie par là est que chacun.e puisse se faire le sien.

Vers la plus queer des insurrection / Queer Ultra Violence
Paranormal Tabou
En Catimini… Histoires et communiqués des Rote Zora
Jour après jour. Violences entre proches : apporter du soutien et changer les choses collectivement
De la justice en milieu anti-autoritaire
Pour une fois j’ai dit non
Bouteldja, ses sœurs et nous (Ed. Tout mais pas l’indifférence)
Chroniques du bord de l’amer (Ed. Tout mais pas l’indifférence)
La tyrannie de l’absence de structure – Joe Freeman
– Petite histoire de la George Jackson Brigade – Aviv Etrebilal
– Contre la logique de soumission – Wolfi Landstreicher
– L’essentialisme et le problème des politiques d’identité – Lawrence Jarach
– Et si on s’y mettait vraiment ?
Femmes trans en prison
Nous sommes toutes des survivantes, nous sommes toutes des agresseures
– King Kong Théorie – Virginie Despentes
Les « espaces safe » nous font violence

 

[1(Toutes les notes ont été rajoutées lors de la traduction.)
Fratboy est une expression typiquement étasunienne, qui signifie littéralement « garçon de fraternité », et qui n’a pas vraiment d’équivalent en français. C’est un peu l’idée des jeunes garçons machos, riches et privilégiés.

[2Editeures de la brochure en anglais, et d’autres brochures tout aussi intéressantes, disponibles sur untorellipress.noblogs.org.

[3New Left : ensemble de mouvements aux tendances libertaires, qui dans l’idée de dépasser les luttes classiques ouvrières qui sont apparues dans les années 1960 et 1970 aux USA (hippies, situationnistes, étudiant.es, féministes, dissident.es sexuel.les, noir.es, portoricain.nes, maoïstes), et qui ont été récupérés par la gauche réformiste, ou sous le coup d’une répression féroce depuis la fin des années 1970 (traduction depuis la version espagnole).

[4Tokenisation : à la base un terme informatique, apparemment très utilisé aux USA mais difficilement traduisible, processus qui consiste à symboliser une donnée. Sur le plan social cela se traduit par une politique de quota de représentativité des minorités. C’est la caution morale que se donne un mouvement politique ou une personne pour augmenter sa légitimité. N’ayant pas trouvé d’équivalent français (le plus proche serait réifier) j’ai préféré conserver le mot tel quel dans la traduction.

[5Parce que plusieurs fois, j’ai entendu le fait que le terme générique « homme » taisait la différence qui existe entre les hommes cis et les trans, je me suis permise de rajouter cis, quand ça me paraissait pertinent, partant du principe que généralement, se sont plutôt les cis qui font l’objet de notre colère, et non pas les trans… J’ai bien conscience que ça peut changer l’idée initiale du texte.

[6La triangulation est un processus à travers duquel deux personnes impliquées dans un conflit ne se parlent pas directement, mais au travers de une ou plusieurs médiateures.

[7Celle de l’agresseure évoluant dans la communauté.

[8Mégenrer : se dit quand une personne se voit désignée par une identité de genre qui n’est pas celle qu’elle a choisie.

[9Benjamin : du nom de Benjamin Franklin, qui figure sur le billet de 100 dollars.

[10Deoni Jones était une femme trans, poignardée à l’âge de 23 ans, le 2 février 2012 à Washington DC.

[11Trans 101 est le nom donné à des explications/présentations faites sur les transitions et les personnes trans, un peu en mode foire au questions, disponible largement, et visiblement destinées à des personnes qui n’ont que très peu d’idées sur la question.

[12Personnes trans assassinées aux USA.

[13Mouvement insurrectionnaliste queer aux USA, dont le projet était « avant tout un refus du statut de victime et une réappropriation de la violence qui nous a été enlevée par l’idéologie progressiste et utilisée contre nous par nos agresseurs et par l’État. » Pour plus d’informations, voir la brochure Queer Ultra Violence, extraite du bouquin récemment traduit en français « Vers la plus queer des insurrections ».

[14To bash est un terme utilisé pour définir spécifiquement des agressions/meurtres de personne trans/queers. Bashing back, c’est l’idée de rendre les coups aux agresseurs/meurtriers. Mais cela est difficilement traduisible en francais.

[15En anglais « male bodied », j’ai pas trouvé comment traduire ça d’une façon qui me convienne complètement, ayant l’impression que le texte se réfère à des hommes cis dans certain cas, mais pas dans d’autre, et de ce que j’en comprends, « women bodied » se réfère aux personnes qui se définissent, par défaut où par choix, meufs. Du coup j’ai choisi, probablement à tort, la traduction la plus littérale.

[16Reprenons la nuit.

[17Référence au fait qu’aux USA les manifs sont de fait tolérées sur trottoirs des campus, parce qu’elles ne gênent pas la circulation.

[18Spanish Blue Blood est le pseudo qu’utilise l’un des modérateurs du forum virtuel du National Socialist Movement (NSM88).

[19Centre pénitentiaire étasunien de vigilance minimum soi-disant progressiste servant à la réinsertion.

[20L’abeille de Modesto : journal californien conservateur.

[21L’apologie du travail, qu’il soit sexuel ou non, et les plaintes sur les trop nombreux licenciements, ça nous parle pas, nous sommes clairement contre le fait de devoir se vendre pour vivre.

[22Oscar Grant était un travailleur noir résidant à Oakland, Californie, qui dans les premiers jours de 2009, mourut suite aux tirs de la police dans cette même ville. S’en suivirent de violentes émeutes anti-flics et partout dans l’état, avec Oakland pour épicentre et avec une diversité ethnique forte [traduction depuis la version espagnole].

[23Sarah Palin est une politicienne conservatrice étasunienne, candidate en 2008 à la vice-présidence du Parti républicain, et rattachée à une église évangélique, la Wasilla Bible Church, située en Alaska (État duquel elle fut gouverneure il y a longtemps), qui fut attaquée avec un engin incendiaire le 12 décembre 2008, l’intérieur complètement calciné, abimant la charpente, pour des dégats estimés à un milion d’euros environ [traduction depuis la version espagnole].

[24Fairy wandsfairy, qui signifie aussi parfois pédé, peut être vue comme un jeu de mots. On pourrait donc traduire aussi baguette magique de pédés.

[25Mouvement musical et politique punk féministe.

[26Les mort.es n’appartiennent à personne si on veut éviter d’en faire des héroïnes ou des martyrs…

[27Finalement jugée sous l’accusation d’homicide involontaire en juin 2012, elle a été condamnée à 41 mois de prison. Elle a en purgé 19 dans des prisons pour hommes, et a été libérée en conditionnelle.

[28Célèbre émeute, qui marqua une étape importante dans l’histoire des rebellions queers. Le récit suivant est tiré de Queer Ultra Violence : Le 28 Juin 1969, la police procéda à un raid « de routine » au Stonewall Inn à Greenwich Village, à New York. Ils commencèrent par arrêter les personnes trans, les drag queens et les kings pour travestissement, ce qui était illégal. L’hostilité atteint son paroxysme, lorsqu’un officier poussa une queen, qui riposta en le frappant à la tête avec son sac à main. La foule devint féroce. Les flics furent bombardés, tout d’abord de pièces de monnaies, puis de bouteilles et de pierres. Lorsqu’une bull dyke qui résistait à son arrestation appela la foule en renfort, la situation devint explosive. La foule tenta de renverser le panier à salade, tandis que les pneus des véhicules de police étaient crevés. La foule, qui lançait déjà des bouteilles de bière, découvrit une pile de briques sur un chantier. Les flics durent se barricader à l’intérieur du bar. Le bâtiment fut bombardé de poubelles, ordures, bouteilles, pierres et autres briques, qui firent voler les fenêtres en éclats. Les émeutièrEs arrachèrent un parcmètre pour l’utiliser comme bélier. La foule incendia des poubelles pour les envoyer par les fenêtres brisées ; elle fit gicler l’essence à l’intérieur et mit le feu aux poudres. La police antiémeutes arriva sur les lieux, mais ne put reprendre le contrôle de la situation. Les Drag queens dansaient la farandole et chantaient des chansons au beau milieu du combat de rue pour se moquer de l’incapacité de la police à rétablir l’ordre. Les émeutes continuèrent jusqu’à l’aube, et au cours des quatre jours suivants. Une foule de gens envahit les rues, et le saccage de voitures de flics, les incendies, et les pillages de magasins se multiplièrent.

[29Department of Motor Vehicles, Département des véhicules motorisés, un bureau gouvernemental qui sert à délivrer des cartes grises, permis de conduire, etc.

[30Newsletter Black and Pink, une publication de la côte est des USA, à tendance anarcho-queer, et avec une attention particulière pour l’anti-repression.

[31« It gets better ». Savage est un auteur homosexuel étasunien très polémique et médiatisé de part son hostilité envers le conservatisme et plus précisément la sexophobie et l’homophobie qui en découlent. Le projet « It gets better » démarre en septembre 2010 suite aux suicides de plusieurs adolescent.es sur tout le territoire des USA, harcelé.es pour leur homosexualité.

[32Le collectif LGBT officiel de la ville.

[33Syndicat d’inspiration socialiste révolutionnaire.

[34En août 1966, les patrons de la Cafétéria de Compton (un lieu de rencontre nocturne de San Francisco, ouvert 24h/24, pour les drag queens et les travailleurEUSEs du sexe du quartier du Tenderloin) appelèrent la police, jugeant qu’un groupe de jeunes queens faisait trop de raffut. Un offi cier de police connu pour sa brutalité envers les habituéEs de Compton a attrapé une queen. Elle lui jeta son café au visage. Une bagarre éclata. Assiettes, plateaux, tasses, et meubles volèrent en tout sens. Les vitrines du restaurant furent brisées. La police appela des renforts alors que l’émeute se répandait dans la rue. Les vitres d’une voiture de police furent brisées et un kiosque à journaux incendié. (Récit repris de la brochure Queer Ultra Violence.)

[35Puis tant qu’à faire, à bas le spécisme… et le système qui crée des chien.nes de garde.

[36Journal local.

[37Groupe de gestion des conflits sur la zad dont les 12 participant.e.s sont tiré.e.s au sort pour un mois.

[38Il nous semble important de noter que si nous nous attaquons aux oppresseures ce n’est pas uniquement pour « changer les mentalités » mais avant tout pour combattre les oppressions qu’on subit dans nos vies et se (ré)approprier nos espaces, nos corps, et nos violences.

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« La seule église qui illumine est celle qui brûle. »
Piotr Kropotkine