Zine : read | A4 booklet
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En anglais : Developing Action Capacity: A Path

« Nous n’avons rien de spécial. Nos compétences ne sont pas particulièrement techniques ou avancées, et nos outils sont faciles à se procurer. Si tu lis ceci, tu es capable de faire ce que nous faisons[1]. »

Une voiture de patrouille de la police d’Atlanta incendiée dans le quartier de Lakewood

Bien que je partage ce sentiment, une question demeure : comment un·e lecteur·ice motivé·e peut développer une telle capacité d’action ? Que faut-il pour ne pas se faire attraper quand on mène des actions lourdes comme des incendies volontaires ? C’est particulièrement important sur le long terme ; c’est une chose de ne pas se faire attraper après un seul incendie, c’en est une autre de continuer à mener des attaques lorsqu’on est dans le viseur de la répression.

Pour quiconque voudrait mener de telles actions, mais ne le fait pas encore, j’expose dans les grandes lignes les étapes que je pense nécessaires pour maintenir des attaques percutantes contre la domination (limitées aux aspects « opérationnels », c’est-à-dire à l’acquisition de compétences). Ce bref aperçu a pour but de te guider et de proposer un « chemin d’apprentissage » — chaque étape est accompagnée de lectures recommandées qui détaillent chaque sujet. Utilise le système d’exploitation Tails pour accéder à ces liens ; il fonctionne sur une clé USB et ne laisse pas de traces sur ton ordinateur. Ce texte ne cherche pas à faire autorité, et j’espère susciter des conversations sur des aspects opérationnels que j’aurais négligés, ainsi que sur tout ce qui sort de ce cadre et qui est important pour maintenir et intensifier une capacité d’action.

Renforcer les liens

Pour une personne qui n’a pas encore de groupe d’action, le premier obstacle à surmonter est de décider avec qui agir. Je préfère agir en groupe de deux ou trois, car il est plus facile de maintenir un haut degré de confiance et de souplesse avec seulement quelques personnes. La plupart des actions ne nécessitent pas plus de quelques participant·e·s, et quand c’est le cas, différents groupes d’action peuvent collaborer. Je préfère ne pas agir seul·e parce que certains aspects des actions sont moins risqués quand on est au moins deux (par exemple une personne peut faire le guet).

Lorsqu’on décide avec qui agir, il y a une tension entre flexibilité et constance. Agir dans des configurations différentes te permet de gagner en confiance et en expérience avec plus de personnes, ce qui te rend plus résilient en cas d’arrestations, de burn-outs ou de conflits interpersonnels. D’un autre côté, agir au sein d’une configuration plus constante peut faciliter le développement d’une plus grande capacité d’action dans un temps plus court.

Pour qu’un groupe d’action se forme, il faut qu’à un moment, une personne prenne l’initiative d’en parler à un·e camarade avec qui elle veut gagner en affinité et en confiance.

Affinité

Le choix des personnes à approcher dans ton réseau devrait être basé sur l’existence d’une affinité entre vous, car cela va déterminer les sujets sur lesquels le groupe d’action va se concentrer. Il y a affinité quand on partage des analyses, ce qui se découvre en apprenant à se connaître, et mène à des possibilités d’action. Quand on sait que l’on partage des objectifs et que l’on veut agir de façon similaire pour les atteindre.

L’exploration et l’approfondissement des affinités au sein d’un réseau sur le long terme, au-delà d’un groupe d’action donné, créent des opportunités pour que les configurations des groupes d’action s’adaptent au fil du temps et que les groupes collaborent entre eux. J’ai choisi d’utiliser le terme « groupe d’action » plutôt que « groupe affinitaire » pour souligner le fait que l’affinité existe dans de nombreuses constellations différentes, chacune avec son propre potentiel.

Lecture recommandée :

Confiance

La confiance est contextuelle : tu peux avoir confiance en ton amitié avec quelqu’un, sans pour autant vouloir lui confier ta liberté. Le choix des personnes à approcher dans ton réseau devrait se faire en fonction de la confiance que tu leur portes et de leur capacité à assumer les conséquences de leurs actions sans trahir leurs camarades, même si cela implique une longue peine de prison. La qualité d’une relation de confiance ne peut être réduite à une simple formule. Elle provient d’une connaissance intime de l’autre, issue d’expériences singulières vécues au sein d’une relation. Cela dit, il existe des pratiques pensées pour approfondir une relation de confiance qui peuvent valoir le coup.

Lectures recommandées :

Préparer le terrain

Une fois que deux ou trois personnes souhaitent agir ensemble, je conseille de commencer par des actions qui n’auraient pas de conséquences trop graves si vous vous faites attraper, comme briser des fenêtres. Cela vous permet de voir si la configuration fonctionne bien, de vous entraîner aux pratiques nécessaires, d’établir des approches opérationnelles et un bon « workflow » pour les tâches à accomplir, et de développer une dynamique interpersonnelle qui convient à tout le monde, le tout dans un contexte où les enjeux sont relativement faibles. Augmenter progressivement l’intensité des actions vous donne aussi l’opportunité d’apprendre à gérer vos peurs, de manière à ce qu’elles n’entravent pas vos prises de décision, votre communication et l’exécution de l’action, surtout dans des situations très stressantes.

Sécurité opérationnelle

La « sécurité opérationnelle » désigne les pratiques qui vous permettent de commettre des crimes en toute impunité. Je conseille à votre groupe d’action de commencer par discuter de chacune des ressources mises en avant sur le site du No Trace Project avant de passer à l’action. Ces discussions devraient se faire en extérieur et sans appareils électroniques. Beaucoup de ces discussions sont adaptées à des constellations affinitaires plus larges que votre groupe d’action. Cela prendra un temps considérable, mais une discussion approfondie de ces sujets posera les bases nécessaires. Ne faites pas l’erreur de présumer que tout le monde est déjà sur la même longueur d’onde. Ces conversations seront aussi l’occasion de discuter la manière dont vous allez vous préparer à l’éventuelle répression qui pourrait faire suite à vos actions.

Préparation de l’action

Une fois ces bases posées, vous êtes maintenant bien placé·e·s pour commencer à préparer l’action. Avec l’expérience, organiser et exécuter des actions deviendra beaucoup plus intuitif. Ce qui vous demandait beaucoup d’attention au début deviendra une seconde nature. C’est aussi pour cette raison qu’il est préférable de commencer par des actions qui ne sont pas trop risquées.

Lectures recommandées :

Réaliser vos rêves

Avant que ton groupe d’action ne mène des actions qui déclencheront des enquêtes plus poussées, il est particulièrement important que vous appreniez à maîtriser deux pratiques de sécurité opérationnelle :

Protocoles de minimisation de l’ADN

Les protocoles de minimisation de l’ADN sont nécessaires pour éviter de laisser des preuves sur une scène de crime. Cependant, ces précautions ne sont pas parfaites et l’action devrait donc être menée de manière à ne rien laisser derrière soi qui pourrait comporter des traces ADN. Je conseille d’apprendre et de mettre en pratique cette compétence bien avant d’en avoir besoin pour des actions à haut risque.

Lecture recommandée :

Détection de surveillance

S’il n’y a pas de preuves laissées sur les scènes de crime et que les enquêteurs ne trouvent pas de pistes grâce à la surveillance numérique, ils seront forcés d’utiliser la surveillance physique pour essayer de vous incriminer. La surveillance physique cherche principalement à surveiller le/la suspect·e lors d’une action (comme dans le cas de Jeff Luers) et, si cela ne fonctionne pas, à surveiller le/la suspect·e alors qu’iel prépare une action (achat de matériel, reconnaissance, etc.), le tout en cartographiant le réseau du/de la suspect·e pour trouver d’autres suspect·e·s.

Détecter la surveillance physique est une compétence qui demande beaucoup de pratique, donc je vous conseille de commencer à l’apprendre bien avant d’en avoir besoin pour des actions à haut risque. Si vous devenez la cible d’une enquête, c’est la seule chose qui empêchera la police de vous suivre lors d’une action ou de sa préparation.

Lecture recommandée :

Techniques d’action

Bien sûr, les compétences relatives aux techniques d’action sont également importantes. Par exemple, il existe de nombreuses façons d’allumer un feu. Certaines sont meilleures que d’autres en termes de fiabilité et d’efficacité, mais votre approche devrait toujours être adaptée au scénario en question (cible, plan de fuite, temps de réaction estimé, etc.) Peu importe les techniques que vous finissez par utiliser, il est important de rester ouvert à l’innovation plutôt que de se limiter à suivre un guide.

Les techniques d’action sont également liées à la sécurité opérationnelle : par exemple, si vous décidez que le ou les engins incendiaires ont besoin d’un retardateur, il est primordial d’avoir la certitude que celui-ci ne va pas échouer, car cela laisserait des preuves sur lesquelles les enquêteurs pourraient prélever des échantillons. Testez minutieusement la fiabilité du retardateur en conditions similaires et utilisez plusieurs retardateurs redondants sur chaque engin. Selon les circonstances et le terrain, vous pourriez même prévoir un endroit adapté où attendre de vérifier qu’un feu prend bien, par exemple en choisissant un plan de fuite comportant un endroit d’où il sera possible de voir la lumière des flammes.

Lectures recommandées :

Connecter les constellations

L’étape suivante dans le développement d’une capacité d’action consiste à aller au-delà de son propre groupe. C’est là que ça devient intéressant : la coordination entre groupes autonomes permet d’accomplir bien plus que ce qu’ils pourraient accomplir seuls, tandis que leur autonomie éloigne la hiérarchie et la centralisation. Bien sûr, conspirer avec plus de personnes implique des risques et nécessite un cloisonnement approprié — c’est là que le principe du need-to-know peut être utile.

L’affinité est la fondation la plus solide pour un projet commun à ces groupes. L’affinité au sein d’un groupe d’action repose sur des expériences interpersonnelles, tandis que l’affinité entre groupes d’action est fondée sur une affinité avec le projet plus qu’avec des personnes. La recherche d’affinités au-delà de votre groupe d’action sur le long terme est ce qui rend cette fondation possible. L’organisation informelle peut alors se développer entre les groupes d’action, ce qui est un modèle expérimenté depuis les années 70. L’organisation informelle naît et est façonnée pour la poursuite d’objectifs spécifiques, comme empêcher la construction de Cop City[2] à travers des sabotages décentralisés. « Elle n’a pas de nom à défendre ou à affirmer, elle n’a qu’un projet à réaliser ».

Cet aperçu aborde ce que je pense être les étapes minimales nécessaires au développement d’une capacité pour des actions percutantes, limitées à l’acquisition de compétences. Bien d’autres choses sont nécessaires — développer d’autres compétences au-delà de celles de base, expérimenter l’organisation informelle tout en relevant ses défis, développer des analyses pour comprendre un environnement en constante évolution, étudier les vulnérabilités de la domination, et tous les autres aspects qui contribuent à maintenir et intensifier l’action.


1.Note du No Trace Project (NdNTP) : Bien sûr, ce n’est pas forcément vrai, tout le monde n’a pas les mêmes capacités.

2.NdNTP : « Cop City » est le nom donné à un projet de centre d’entraînement de la police à Atlanta, aux États-Unis.